Une souche mutante de poliovirus, dérivée du vaccin oral Sabin, a été retrouvée dans les eaux usées de plusieurs stations d’épuration en Guyane, entre mai et août 2024, indique Santé publique France ce 28 octobre. Cette observation s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche coordonné par l’Agence nationale de recherches sur le Sida et les hépatites virales (ANRS-MIE) ; si le dernier cas autochtone de poliomyélite en France date de 1989, les résurgences en 2022 sur trois continents ont en effet conduit l’Agence a lancé un programme de surveillance des eaux usées. Les différentes localisations des souches guyanaises (dans les stations d’épuration de Cayenne, Saint-Georges et Remire-Montjoly), confirment une transmission interhumaine et justifient son classement comme poliovirus circulant cPVDV3 selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
La souche n’a été identifiée qu’en Guyane, mais il est possible qu’elle soit présente dans d’autres pays. En effet, la France n’utilisant que le vaccin inactivé dTP injectable, le virus a certainement été importé par une ou plusieurs personnes ayant reçu le vaccin oral à l’étranger, avance SPF.
À date, le virus circule de manière silencieuse : aucun cas symptomatique n’a encore été signalé dans le département. Considérée comme sauvage, la souche présente un risque faible de paralysie (risque estimé par l’OMS à 8 sur 10 000 personnes infectées par une souche de type 3 contre 1 sur 200 pour une souche de type 1), surtout chez les personnes non ou incomplètement vaccinées, les enfants, les nourrissons et les personnes immunodéprimées.
Dose supplémentaire de vaccin pour les résidents ou voyageurs de longue durée
En Guyane, malgré une offre de vaccination diversifiée, la couverture vaccinale est inférieure à celle de la France hexagonale, plus particulièrement dans des groupes de population dans les zones isolées. Une immunisation insuffisante, associée à des conditions de vie précaires ou de promiscuité, favorise la transmission féco-orale du virus par contamination directe (mains sales ou objets contaminés) ou par l’intermédiaire d’un environnement souillé (eaux usées, aliments) ou encore la transmission directe respiratoire. Cette circulation active augmente le risque de transmission virale interhumaine ainsi que le développement d’une poliomyélite.
L’Organisation panaméricaine de la santé (OPS/OMS) rappelle aux États membres l’importance de maintenir une couverture vaccinale de la polio à plus de 95 % (schéma complet à trois doses) à l’échelle municipale pour endiguer le risque d’épidémie. Elle insiste aussi sur le besoin de renforcer la surveillance épidémiologique des paralysies flasques et de préparer la réponse nationale à une flambée de polio, alignée sur les dernières directives de l’OMS, mises à jour en 2022.
L’agence recommande une dose supplémentaire pour les résidents de Guyane et les visiteurs longue durée (plus de quatre semaines) pour lesquels elle devra être administrée entre 1 et 12 mois avant un voyage international. Ceci, pour éviter une propagation dans le département mais aussi en Europe. L’OPS le rappelle : « Tant que des populations ne seront pas vaccinées ou sous-vaccinées, et que la poliomyélite n’est pas éradiquée à l’échelle mondiale, le risque de réintroduction du virus en Europe demeure. »
Mobilisation des autorités de santé
Santé publique France et l’Agence régionale de santé (ARS) Guyane ont déjà mis en œuvre des actions de réponse rapide à la situation sanitaire. Ils entreprennent une sensibilisation des professionnels de santé au risque de survenue de cas de poliomyélite et rappellent la conduite à tenir : réalisation de prélèvements adaptés à la PCR et/ou à la culture (2 selles prélevées à 24 heures d’intervalle) et à la recherche des diagnostics différentiels (prélèvement nasopharyngé et sanguin).
Sans données consolidées de la proportion d’enfants avec un schéma vaccinal dTP complet, tous les professionnels de santé de Guyane habilités à vacciner sont invités à vérifier le statut de leurs patients et à procéder au rattrapage vaccinal si nécessaire. La campagne sera aussi portée dans les écoles des villes concernées par la présence du virus.
Un programme de surveillance environnementale sur les eaux usées va être instauré, pour une durée d’un an, avec une collaboration entre l’Institut Pasteur de Guyane et le Centre national de référence des entérovirus Institut Pasteur Paris. Elle permettra de définir l’étendue et l’évolution de la circulation du poliovirus dans les eaux usées pour orienter les mesures sanitaires.
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