Expérimentations de la rémunération à l'épisode de soins

Les chirurgiens libéraux affichent leur méfiance

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Publié le 07/01/2019
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prothese hanche

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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

« La rémunération à l'épisode de soins… par principe nous sommes volontaires. Mais il y a beaucoup de choses qui nous inquiètent ! » Lors du colloque national du syndicat Le BLOC (majoritaire parmi les chirurgiens, obstétriciens et anesthésistes-réanimateurs), son coprésident, le Dr Philippe Cuq, a souligné les réticences fortes des spécialistes de bloc à s'engager dans le paiement à l'épisode de soins dont les premières expérimentations sont attendues cette année* (pour la prothèse de hanche).  

Pour le chirurgien toulousain, la dépendance « de plus en plus problématique » aux groupes de cliniques posera problème dans le paiement de ce forfait censé englober toute la séquence de soins (pré, per et post opératoire). « Nous allons subir des pressions sur le choix du matériel et des prothèses, or cette perte de l'indépendance professionnelle n'est pas envisageable pour nous », défend le Dr Cuq.

La question du montant forfaitaire global – mais aussi du mode d'allocation des honoraires – est un sujet central. « Nous craignons qu'à la fin du compte, le forfait soit inférieur à la totalité des honoraires qui auraient été normalement perçus. Et qui va faire les chèques, les dirigeants de cliniques ? », s'inquiète le syndicaliste.

Le leader de l'Union des chirurgiens de France (UCDF) fait également valoir qu'aucune « amélioration de la qualité significative » n'a été démontrée par les études scientifiques dans le cadre d'un paiement à l'épisode de soins, même si la CNAM espère accroître les pratiques vertueuses avec ce levier incitant aux résultats (notamment en diminuant les complications et les réadmissions). 

Patients à risques exclus ?

Interpellé lors du colloque, le directeur général de l'assurance-maladie, Nicolas Revel, a tenté d'apaiser les inquiétudes des chirurgiens jugées « parfaitement légitimes ». « Elles sont relayées dans le groupe de travail constitué sur le sujet (dont les représentants du BLOC ne font pas partie, NDLR)Selon les études menées, il y a des cas où l'amélioration de la qualité est moins probante que d'autres, a concédé le patron de la CNAM. En revanche, le but n'est pas de dire "on reprend toute la séquence de soins en faisant en sorte que le coût soit moindre". » Selon Nicolas Revel, l'économie générée par la non-réintervention sera partagée, réinvestie et sans « intermédiation ».

« La crainte de complications fera que les chirurgiens orthopédistes ne voudront plus opérer les patients fragiles pour lesquels le risque est trop important, a objecté le Dr Xavier Gouyou-Beauchamp, chirurgien orthopédiste à la clinique de Bergerac (Dordogne). Les patients que je n'opère pas se tourneront vers le CHU de Bordeaux, ce qui n'est jamais une économie pour l'assurance-maladie ».  

Toilettage de nomenclature

Nicolas Revel a invité les spécialistes de plateaux techniques à « réfléchir aux évolutions nécessaires de tarifs et de rémunération » plutôt que de subir des modes de régulation comptable. Car des marges de progrès existent pour valoriser la pertinence des soins et la qualité. Selon les données du PMSI, les 25 % des établissements les moins performants ont 2,5 fois plus de reprises que les 25 % les plus performants. « Derrière ces chiffres, il y a des leviers de gains et d'économies, souligne le directeur général. La démarche favorisée est le cadre expérimental avec l'article 51. » Près de 70 équipes (issues d'établissements publics, privés et privés non lucratifs) ont adressé leurs propositions à l'assurance-maladie – et plusieurs ont été entendues dans les groupes de travail.

Pour le patron de la CNAM, le chantier des rémunérations est à mener en parallèle avec l'actualisation de la classification commune des actes médicaux (CCAM), intégrant le coût de la pratique. « Aujourd'hui, les tarifs cibles sont calculés avec des paramètres non réévalués depuis 15 ans, ils ne reflètent plus les difficultés liées à l'organisation, reconnaît Nicolas Revel. Les actes faciles à réaliser se multiplient tandis que les actes plus complexes, moins valorisés, sont peu pratiqués. » Il plaide pour une CCAM « juste et adaptée », favorisant la pertinence des actes à tous les étages.

*Lire aussi (page 11) la tribune de deux responsables de la SOFCOT sur le paiement à l'épisode de soins  

Marie Foult

Source : Le Quotidien du médecin: 9713