Les IST en hausse depuis 2020, le dépistage combiné à renforcer

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Publié le 12/12/2023
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Crédit photo : BURGER/PHANIE

Trois infections sexuellement transmissibles (IST) bactériennes - Chlamydia trachomatis, gonococcies et syphilis - ont connu une « tendance marquée à la hausse entre 2020 et 2022 », alerte le Pr François Dabis, président du comité de pilotage de la feuille de route santé sexuelle 2021-2024. Dans un éditorial introduisant une série d’articles du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de Santé publique France (SPF), le professeur de santé publique revient sur les principales tendances en matière d’IST, « un réel fardeau » qui réclame une « attention maintenue, adaptée aux populations les plus vulnérables ».

Selon les données du réseau Sentinelles, le taux d'infections à Chlamydia a augmenté de 16 % entre 2020 et 2022 (102 cas pour 100 000 habitants), celui des gonococcies de 91 % (44/100 000), et celui de la syphilis a bondi de 110 % (21 cas pour 100 000). Mais ces hausses restent difficiles à analyser en l’absence de données antérieures à la période de confinement. La pandémie a aussi impacté l’activité de dépistage, entraînant des retards de diagnostic.

Cette tendance suit celle observée dans les pays occidentaux depuis le début des années 2000 : les IST d'origine bactérienne repartent à la hausse, après un recul pendant 20 ans dans le sillage de l'épidémie de sida et dans un contexte où le port du préservatif reflue.

Des taux d'incidence sous-estimés

Aussi, « les taux d’incidence mesurés sous-estiment l’incidence des IST bactériennes, car ils sont calculés uniquement à partir des cas pour lesquels une confirmation biologique a pu être faite et ayant été pris en charge en médecine générale », indiquent les auteurs de l’étude.

Quelques éléments permettent tout de même de dresser un panorama de ces infections. Les cas avec une gonococcie ou une syphilis, plus souvent masculins avec une part importante d’hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), avaient plus de multipartenaires, plus d'antécédents d’IST, plus de co-infections par le VIH et plus de prises d’un traitement préventif contre le sida (PrEP) que ceux avec une chlamydiose, résument les auteurs.

Rappelant les complications associées à ces infections (douleurs pelviennes chroniques, infections génitales hautes, infertilité, cancer, etc.) et « leur rôle dans la transmission du VIH », les auteurs jugent « important de poursuivre les efforts en termes de dépistage combiné de toutes les IST (VIH, IST bactériennes, hépatites B et C) chez les patients et leurs partenaires, afin de commencer rapidement le traitement et d'interrompre les chaînes de transmission ».

À Mayotte, où la population est hautement vulnérable aux IST et le système de santé, moins développé, la prévalence a pu être estimée par une enquête en porte-à-porte et une proposition de tests sanguins, vaginaux et urinaires. Les taux de portage à Chlamydia trachomatis et Trichomonas vaginalis y sont quatre à cinq fois supérieurs à ceux estimés dans l’Hexagone.

Encore des freins à la PrEP

Concernant le VIH, les études du BEH font état d’une situation épidémiologique « de plus en plus contrastée », souligne le Pr Dabis. Les données montrent une grande hétérogénéité dans le groupe des HSH nés à l’étranger et la difficulté de dégager des tendances analysables. Une certitude cependant : le dépistage et la PrEP sont sous-utilisés dans cette population qui cumule encore 40 % de diagnostics tardifs.

En parallèle, le recours à la PrEP, bien qu’il soit en croissance, est entravé par plusieurs freins « corrélés aux inégalités sociales », relève l’ancien directeur de l’ANRS. Selon l’enquête Rapport au sexe (Eras) de 2023, un tiers des HSH y sont éligibles et un sur six, soit la moitié des éligibles, l’a utilisée au cours des six derniers mois. Les personnes trans, étrangères, ainsi que les travailleurs et travailleuses du sexe peinent encore à y accéder. De nouvelles recommandations sont attendues « avec impatience » pour mieux cadrer la prescription, indique le Pr Dabis.

L’exemple de la stratégie de marketing social mise en place pour l’épidémie de mpox en 2022 pourrait être une piste pour atteindre les populations les plus éloignées des soins et de la prévention. Le dispositif Sexosafe pour les HSH, qui avait été mobilisé alors, « confirme qu’un investissement de longue durée associant professionnels de santé, représentants des usagers et experts en communication permet de s’adapter dans des conditions de crise », souligne le Pr Dabis.


Source : lequotidiendumedecin.fr