Big bang des modes de rémunération

Les médecins peu convaincus par l'approche forfaitaire

Par
Publié le 11/04/2019
Article réservé aux abonnés
forfait

forfait
Crédit photo : PHANIE

Les rémunérations forfaitaires, jusqu'où ? La question s'invite dans le secteur libéral depuis que le rapport Aubert (du nom du patron de la DREES, service des statistiques du ministère de la Santé) a proposé de nouveaux paiements combinés (à la pertinence, à l'innovation, au suivi) sans fixer d'objectif précis de réduction du paiement à l'acte.  

« On travaille sur des actes qui améliorent la pratique et sont structurants dans la prise en charge des patients » : la directrice déléguée à la gestion et à l'organisation des soins à la CNAM, Annelore Coury, a « vendu » en ces termes les prochaines évolutions des modes de rémunération, lors d'une convention des libéraux de santé du CNPS.

L'approche forfaitaire vient de gagner du terrain dans plusieurs professions. La nouvelle convention des chirurgiens-dentistes en vigueur depuis le 1er avril introduit une aide à l'installation et à l'informatisation du cabinet – à l'instar des médecins – et un forfait « de prise en charge globale de prévention » couvrant plusieurs séances au cours desquelles le dentiste réalisera des soins et prodiguera des recommandations. « Il nous reste à convaincre les confrères sur le terrain, temporise le Dr Catherine Mojaïsky, chirurgien-dentiste, secrétaire générale du CNPS. Il faut leur montrer que cela a du sens, qu'ils seront rémunérés. »

Les infirmiers libéraux ont conclu de leur côté un avenant avec la CNAM, qui généralise « le bilan de soins infirmier » pour les patients complexes, lourds ou fragiles. L’accord prévoit une rémunération non plus à l’acte mais sous la forme de forfaits journaliers par patient selon leur charge en soins (légère, intermédiaire ou lourde). « Cet acte était facturé pour 30 minutes mais cette durée n'était pas nécessaire pour tous les patients. En revanche, il était parfois nécessaire pour l'infirmière de voir un patient plusieurs fois par jour. Nous avons introduit un forfait journalier, plus adapté [de 13€, 18,20€ ou 28,70€, selon le profil du patient, NDLR] », précise Annelore Coury. 

Modèles imposés

Chez les médecins libéraux, où la part des rémunérations forfaitaires est très variable (jusqu'à 13 % en médecine générale mais quasi-nulle dans d'autres spécialités), la réticence domine. Un paradoxe souligné par Jean-Marc Aubert, directeur de la DREES (ministère), en charge de la task force sur la réforme. « En fait, c'est en médecine de ville où ça a le plus bougé – le paiement est déjà combiné entre l'acte, la rémunération sur objectifs, le forfait structure – mais on a l'impression que c'est là où les professionnels sont les plus résistants ! », pointe-t-il.

Une résistance « logique », recadre le Dr Sophie Bauer, secrétaire générale du Syndicat des médecins libéraux (SML). « Les forfaits ne sont que des béquilles dans nos rémunérations, car la consultation reste à 25 euros alors que si elle avait suivi l'inflation, elle devrait être à 40 euros, analyse-t-elle. De plus, on transpose des modèles étrangers de pays où les professionnels de santé sont tous salariés ! » Selon un sondage du syndicat début mars, dans le cadre du grand débat, 92 % des médecins libéraux (toutes spécialités) plébiscitaient le paiement à l'acte.   

« Il y a des missions qu'on ne peut rémunérer que sous la forme de forfait comme la permanence des soins ou les groupes de prévention pour les patients, souligne le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. Dans ces cas précis, on peut rémunérer à la qualité. Pour le reste, le paiement à l'acte est le propre de notre exercice et un gage d'efficience. Or aujourd'hui déjà, les pharmaciens nous enlèvent les consultations simples, et on se retrouve avec les consultations les plus complexes… »

M. F.

Source : Le Quotidien du médecin: 9740