Michel-Olivier Lacharité (Médecins sans frontières) : « Les besoins sont davantage dans les villages inaccessibles par la route »

Par
Publié le 12/09/2023
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : DR

Si l'aide du gouvernement français n'a pour l'heure pas été retenue par le Maroc, une équipe de Médecins sans frontières a été dépêchée en soutien aux services locaux. Michel-Olivier Lacharité, responsable des urgences de l'ONG témoigne de la situation sur place.

LE QUOTIDIEN : Médecins sans frontières (MSF) a envoyé sur place une équipe d'urgence. Quelle est sa mission ?

MICHEL-OLIVIER LACHARITÉ : Notre équipe de 10 personnes, comprenant des médecins, infirmiers et logisticiens, évalue pour le moment les besoins médicaux dans la région affectée par le séisme, pour comprendre comment aider au mieux les autorités marocaines.

Nous nous sommes notamment rendus le 10, à Amizmiz près de l’épicentre du séisme [province d'Al-Haouz, au sud de Marrakech, NDLR], où la principale structure de santé avait reçu des dizaines de blessés souffrant de fractures des membres ou de traumas crâniens. Les patients les plus graves ont été transférés en ambulance à Marrakech, le système de référence local fonctionnant relativement bien.

À Marrakech, les équipes chirurgicales du ministère de la Santé ont reprogrammé toutes les chirurgies non urgentes pour prendre en charge les victimes du séisme. Le CHU de Marrakech qui était saturé le samedi a observé une décrue à partir de dimanche et gère dorénavant bien l’afflux de blessés, d’autant que de nombreux médecins marocains sont venus en renfort, du nord du pays notamment. Les besoins sont davantage dans les villages de montagne non accessibles par la route. Les blessés en sortent au compte-gouttes, parfois à dos d’âne.

Quelles interventions pourraient être proposées par MSF aux autorités marocaines ? Quels moyens MSF peut-elle débloquer à court et moyen terme ?

Nous rencontrons différents directeurs d'hôpitaux pour voir s'il y a des besoins en ressources humaines, matériel médical, médicaments ou en logistique et nous essaierons de trouver la meilleure façon de les aider dans les prochains jours. Il faut aussi penser au moyen terme. Une fois l’urgence passée, il y aura sans doute des besoins en physiothérapie.

Sous quelles conditions les ONG peuvent-elles intervenir au Maroc ?

Comme dans toute catastrophe naturelle, les autorités filtrent l’aide internationale, ce qui n’est pas totalement inhabituel et qui est légitime dans une certaine mesure, pour éviter une réponse chaotique.

Une cellule de crise en place à Rabat coordonne la réponse, et quatre pays ont été autorisés à apporter de l’aide bilatérale [Espagne, Grande-Bretagne, Émirats arabes unis, Qatar, NDLR].

MSF de son côté n’est liée à aucun gouvernement et nous nous coordonnons habituellement directement avec les autorités locales.

MSF a-t-elle connu des situations semblables par le passé ? Dans quelle mesure un froid diplomatique peut-il entraver l'arrivée de l'aide humanitaire ?

En Turquie, l’arrivée et le déploiement de l’aide bilatérale ont aussi subi des logiques géopolitiques. L’aide bilatérale fait évidemment partie d’une stratégie de diplomatie humanitaire - on l’a vu lors du séisme Turquie/Syrie - mais il faut s’assurer que ça ne nuise pas à l’efficacité de l’aide. Filtrer l’arrivée de l’aide bilatérale est plutôt courant, voire nécessaire. Le cas du tremblement de terre à Haïti a été l’exception, avec une ouverture à tout vent de l’aide qui a conduit à beaucoup de désordre.

Propos recueillis par Elsa Bellanger.

Source : lequotidiendumedecin.fr