LE QUOTIDIEN : Vous lancez mi-février la série de podcasts « Hippocrate dans le Lab’ ». Pour quelles raisons ?
Pr ÉRIC SOLARY : Nos objectifs sont de promouvoir la recherche sur le cancer et de partager nos connaissances avec les médecins généralistes. Une enquête, réalisée en amont pour identifier leurs besoins d’information et mieux connaître leurs perceptions des avancées en cancérologie [lire encadré], a mis en lumière beaucoup de questions sur l’augmentation du nombre de nouveaux traitements ou encore sur les prises en charge hyperspécialisées. Il est vrai qu’il existe plus de 1 000 médicaments en développement dans le champ de l’oncologie, ce qui peut paraître vertigineux lorsque l’on gère des dizaines de pathologies différentes. Nous organiserons par ailleurs un séminaire en ligne en février afin, là aussi, de répondre aux questions et de renforcer les échanges.
Comment avez-vous choisi les sujets ?
Dans le champ de l’oncologie, la première crainte des médecins généralistes est de réaliser un diagnostic tardif. Nous avons donc souhaité, dans le premier épisode consacré aux cancers pédiatriques, apporter des réponses concrètes à une inquiétude formalisée.
J’ajoute que, si nous n’avons pas construit cette série pour les patients ou leurs proches aidants, nous avons voulu démystifier la recherche, faire comprendre simplement les progrès accomplis afin que chacun puisse s’en emparer dans son quotidien. « Hippocrate dans le Lab’ » est donc accessible au plus grand nombre.
Nous ne réussirons le challenge de l’ambulatoire que si nous renforçons les liens entre tous les acteurs
Comment décririez-vous l’évolution du rôle des médecins généralistes dans la prise en charge des cancers ?
Ils ont tout d’abord un rôle majeur de détection des signaux d’alerte et je suis convaincu que leurs missions en termes de prévention iront croissant car celle-ci sera de plus en plus personnalisée. Au-delà des conseils en matière d’hygiène de vie, des incitations à la vaccination ou des dépistages organisés, le médecin participera avec le patient à l’évaluation de son risque et définira des stratégies individualisées.
Par ailleurs, les patients, de plus en traités en ambulatoire, sollicitent de manière croissante leur médecin généraliste. Or celui-ci peut ne pas connaître tous les traitements prescrits en oncologie et c’est normal. Nous sommes dans une phase de progrès significatifs en matière de thérapeutiques ciblées ou encore d’immunothérapies. Nous devons donc faire en sorte que chaque parcours de soins comporte la désignation d’un référent hospitalier qui répondra à des questions très spécialisées, posées par le médecin ou le patient lui-même. Les infirmières de pratique avancée ont aussi pour vocation de mieux répondre à ces demandes. Mais nous ne réussirons ce challenge que si nous renforçons les liens entre tous les acteurs, ce qui est l’un des objectifs de nos podcasts.
L’accompagnement des patients et des familles représente un autre sujet majeur. Faut-il là aussi s’attendre à des innovations ?
Des actions sont en cours de développement concernant notamment l’hospitalisation à domicile. J’ajouterai que les interventions non médicamenteuses se développent. Nous pourrions d’ailleurs envisager un podcast sur ce sujet. La Fondation ARC soutient par exemple un projet évaluant l’impact de l’exercice physique dans la prise en charge d’un cancer. Les bénéfices peuvent aujourd’hui se mesurer sur les plans physiques et psychologiques. Tous ces résultats doivent être partagés.
À quoi pouvons-nous nous attendre à l’avenir ?
Les prochaines avancées concerneront l’analyse des données massives des examens réalisés, même en routine. Une prise de sang permet par exemple aujourd’hui d’extraire des résultats biologiques, génomiques, protéomiques… L’intelligence artificielle représente un potentiel qu’il convient de bien exploiter. Par exemple, au Danemark, les simples données de santé issues du système de protection sociale ont permis de créer un algorithme prédictif du cancer du pancréas. La méthode a été scientifiquement validée. Il s’agit d’un progrès majeur car plus le diagnostic est précoce, plus les chances de guérison sont élevées. D’où, je le répète, l’intérêt de sensibiliser les médecins généralistes à toutes ces questions car ils en seront les premiers destinataires.
Pouvez-vous nous dire en quelques mots les sujets prioritaires de recherche de la fondation ?
Notre soutien financier se décline selon trois modalités : les jeunes chercheurs, les programmes ayant bénéficié d’une évaluation scientifique positive – environ 20 % des projets reçus – et les appels d’offres thématiques. Actuellement, nous privilégions plusieurs sujets : les cancers rares, l’oncopédiatrie, les cancers du pancréas, les cancers du sujet âgé, et en termes de traitements, l’immunothérapie. J’ajouterai deux points d’attention majeurs : le premier concerne la facilitation du transfert de la recherche fondamentale vers des applications cliniques et le second l’anticipation des besoins.
Une étude auprès des généralistes
« Plus de 90 % des médecins généralistes se sentent peu ou pas informés sur les avancées des cancers ». C’est ce qu’indique une étude de la Fondation Arc menée par Ipsos auprès de 40 omnipraticiens dans la région Auvergne Rhône-Alpes. Il ressort également un souhait de « plus d’échanges avec des spécialistes ». Dans leur relation avec leurs patients, tous les généralistes interrogés se déclarent moteurs dans la prévention contre le cancer, tant sur les recommandations de dépistage régulier que sur la consommation de tabac, l’exposition au soleil… Pourtant, 92 % ont estimé que le manque de temps limite leurs actions de prévention. Pour 95 % d’entre eux, la peur du diagnostic représente le principal frein au dépistage chez les patients.
(1) Disponibles sur Apple podcast/Spotify/Deezer/YouTube à partir du 15 février.
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