Après deux ans de négociations, les 194 pays membres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) peinent à s’accorder sur les termes d’un traité mondial de préparation et de riposte aux futures pandémies. Initiées en 2021 avec l’ambition de ne pas reproduire les erreurs et les inégalités de la réponse à la pandémie de Covid, les négociations butent notamment sur le financement d’une réponse coordonnée et la répartition des avantages tirés du partage des séquences génétiques des agents pathogènes.
Le dernier round de négociations, achevé le 10 mai - alors que les discussions devaient initialement prendre fin en mars -, a abouti à un « texte complexe, très long », contenant encore de nombreux éléments en discussion, voire des questions non abordées « faute de temps », décrit le Pr Michel Kazatchkine, membre du Panel indépendant d’experts chargé d’évaluer la réponse mondiale à la pandémie de Covid.
Le document sera soumis à l’Assemblée mondiale de la santé (organe de gouvernance de l’OMS) lors d’une réunion qui s’ouvre le 27 mai. La rencontre sera l’occasion d’un « état des lieux » des pourparlers, poursuit l’ancien directeur du Fonds mondial de lutte contre le sida. En amont, une nouvelle session de discussions, sous l’égide du groupe intergouvernemental en charge des négociations (Intergouvernmental Negociating Body – INB), est annoncée du 20 au 24 mai.
Forte opposition sur un système mondial d'accès aux pathogènes
L’adoption d’un nouveau système mondial pour l'accès aux agents pathogènes et le partage des avantages tirés de leur étude (vaccins, traitements, tests…), le « Pathogen Access et Benefit-sharing », compte parmi les principaux points de blocage. « Pour les pays du Sud, frustrés à juste titre de l’expérience de la pandémie de Covid et de l’accès inégal aux vaccins, cette question de la compensation est critique », résume le Pr Kazatchkine.
Aucun accord n’a par ailleurs été trouvé sur les questions de propriété intellectuelle, au cœur d’une bataille à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pendant la pandémie. « Les pays de l’Union européenne, les États-Unis et la Suisse ont posé des lignes rouges strictes », commente-t-il.
Les désaccords persistent également sur le transfert de technologie vers les pays les plus démunis ou sur le financement du renforcement des capacités de riposte des pays. Qui va payer et combien reste à déterminer.
L’enjeu d’une surveillance intégrée dans une perspective One health est toujours en discussion. De même que la question de la redevabilité (obligation de rendre des comptes). « Chacun fait des efforts dispersés. Mais à qui les États devraient-ils rendre compte de ce qu’ils font ou ne font pas ? Et comment les accords conclus seront-ils respectés et suivis ? », détaille le Pr Kazatchkine.
Vers la poursuite des négociations ?
Face aux intérêts divergents en présence, et à un contexte international peu propice au multilatéralisme, l’ultime session de négociations prévue en amont de l’Assemblée mondiale de la santé sera cruciale. « À l’issue de cette dernière tentative, l’INB enverra un document comprenant les points d’accord et de désaccord à l’Assemblée qui devra se prononcer », explique le Pr Kazatchkine. Un accord, même a minima, sur les points convergents comme la surveillance ou l’alerte « aurait le mérite d’exposer les consensus. Ce pourrait être un point de départ pour de futures discussions », poursuit-il. Et d’ajouter : « l’absence d’accord serait un échec important pour la communauté internationale ».
Ces longues tractations ont des précédents. La Convention de l'OMS pour la lutte contre le tabac, adoptée en mai 2003, a demandé plusieurs années de négociations pour construire un cadre de régulation. À l’inverse, sur d’autres sujets, « des consensus ont émergé rapidement malgré un monde politiquement très clivé », rappelle le Pr Kazatchkine, citant la catastrophe de Tchernobyl et l’adoption en 6 mois d’une convention sur les menaces nucléaires.
Les suites des discussions sur un traité mondial de riposte aux pandémies restent incertaines. La résolution qu’adoptera l’Assemblée mondiale de la santé pourrait définir les modalités de poursuite des négociations. « La constitution de groupes de travail spécifiques pourrait être proposée sur les sujets les plus difficiles, dont certains, comme la propriété intellectuelle, ne concernent pas seulement l’OMS », avance le Pr Kazatchkine.
Pour l’heure, l’état des discussions met en évidence le « recul du multilatéralisme » et le « recul de la capacité du monde à œuvrer ensemble à la résolution d’un problème commun », regrette-t-il. Malgré les millions de morts du Covid, la communauté internationale est encore loin de « l’effort global et indispensable de préparation aux pandémies », conclut-il.
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