Santé de la femme

Projet de grossesse : prescrire de la vitamine B9, au cas où

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Publié le 25/10/2021
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Alors que la supplémentation en acide folique, recommandée avant la conception et pendant les premières semaines de grossesse, réduit significativement le risque de malformations fœtales liées à l’absence de fermeture du tube neural, les prescriptions restent beaucoup trop timides.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

« Je pense bébé, je pense B9 ». Le message figure en gros sur des posters et dépliants promus en juin dernier par Santé publique France. Mais il a toujours du mal à passer, déplorent gynécologues, échographistes et associations de patients lors d’une conférence de presse qui s’est tenue en amont de la journée mondiale du spina bifida du 25 octobre.

Les anomalies de fermeture du tube neural (AFTN) « représentent la deuxième malformation fœtale la plus fréquente, après les malformations cardiaques », souligne François Haffner, président de l’association nationale Spina bifida et handicaps associés (ASBH). « Leur prévalence, de 1,4 à 1,6/1 000, ne diminue pas » déplore le Dr Thierry Harvey, chef du service obstétrique à l’hôpital des Diaconesses. 800 grossesses/an environ sont toujours touchées par un diagnostic d’AFTN, porté à l’issue de l’échographie du 5e mois.

Même si la proposition de réparation prénatale est désormais possible pour limiter la lourdeur des handicaps, détaille le Pr Jean-Marie Jouannic, gynécologue-obstétricien spécialiste de chirurgie fœtale à l’hôpital Trousseau, les parents choisissent dans 80 % des cas de recourir à une interruption médicale de grossesse.

Une supplémentation quotidienne d'acide folique pour réduire le risque d'AFTN

Quelle que soit l’issue, son coût-humain, médical, social est beaucoup trop lourd, alors que la supplémentation en acide folique constitue une prévention simple et peu onéreuse. « Les premiers chiffres consolidés que nous avons publiés*, obtenus à partir des données Sniiram (système national d’information interrégimes de l’Assurance maladie, ndlr), montrent que la prescription ne concerne encore que 15 % des femmes », regrette le Pr Jouannic.

Un comprimé de vitamine B9/jour ne supprime pas totalement le risque d’AFTN, s’agissant d’une malformation congénitale dont les facteurs de risques sont génétiques (appartenance à certains groupes de population ; antécédents familiaux) et environnementaux (prise de certains antiépileptiques, apport alimentaire insuffisant en folates). « Mais les études ont démontré que la supplémentation quotidienne de 0,4 mg le diminue de 75 % » souligne le Dr Harvey, et elle ne doit pas attendre la première semaine du retard de règles.

Démarrer quatre semaines avant la conception

Les recommandations émises depuis vingt ans (DGS en 2000, HAS en 2005) sont claires : la supplémentation doit démarrer quatre semaines avant la conception et se poursuivre jusqu’à 12 semaines de grossesse. La moitié des grossesses n’étant pas programmées, « toute consultation de contraception chez une femme en âge de procréer, martèle Thierry Harvey, doit être considérée comme une consultation préconceptionnelle » : l’occasion pour le médecin de rappeler que si prochain désir de grossesse il y a, il faut non seulement arrêter tabac et alcool mais aussi démarrer tout de suite la prise de vitamine B9.

Pour que les simples conseils distribués lors d’une consultation de 15 minutes ne passent pas à la trappe, surtout si la patiente ne se sent pas concernée à ce moment-là, « le plus simple est de prescrire d’emblée de l’acide folique sur toute ordonnance de contraceptif auto-arrêtable, pour qu’elle puisse démarrer la supplémentation dès l’arrêt. »

* Prevention of Neural Tube Defects by Folic Acid Supplementation: A National Population-Based Study. Nutrients. 2020; 12(10):3170.


Source : lequotidiendumedecin.fr