Est-il éthique de mettre en place un suivi systématique de l'ensemble des professionnels exposés dans leur passé à un risque de contamination par un prion ? Autrement dit, tous les laboratoires travaillant sur les prions devraient-ils contacter leurs anciens professionnels et stagiaires pour les informer des risques d'une contamination ?
Telle est la question que Claire Giry, directrice générale de la recherche et de l’innovation au sein du ministère de l'enseignement supérieur, a posée au Comité consultatif national d'éthique (CCNE), l'été dernier, après le décès de deux techniciennes de laboratoire des suites d'une maladie de Creutzfeldt-Jakob en 2019 et 2021, contractée lors de coupures accidentelles pendant leurs recherches sur les prions. La saisine fait suite à un rapport d’expertise portant sur la sécurité dans les laboratoires de recherche sur les prions ainsi qu'à des échanges antérieurs et à un courrier de l'organisation syndicale SUD-Recherche.
Une information source d'angoisse disproportionnée
La « question éthique se situe entre l'information d'un risque et le risque de l'information », écrit la section technique du CCNE dans sa réponse. Si la transparence totale à l'égard des agents doit être « la réponse naturelle », cet objectif doit être nuancé au regard des spécificités de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Son incidence est rare et les symptômes apparaissent des années (parfois des dizaines d'années) après l'exposition. Le diagnostic repose sur un faisceau d'indices et n'est confirmé qu'à l'autopsie. En outre, il n'y a aucun traitement curatif ni préventif, et le pronostic est fatal. Un « point majeur », selon le CCNE.
Dans ces conditions, l'information risque d'être « source d'angoisse disproportionnée, par rapport au risque d'une part, et aux possibilités inexistantes de traitement », considère l'instance. Le CCNE ne recommande donc pas la recherche active des personnels mais plaide pour « que l'information puisse être accessible à toute personne qui le demande ».
Le comité insiste en outre sur l'accompagnement du professionnel et éventuellement de sa famille. Dans le cas d'une pathologie déclarée, « il est absolument essentiel que l'agent puisse, d’une part, trouver des réponses facilement et, d’autre part, qu’il soit correctement pris en charge, suivi et indemnisé, sans avoir à livrer, ou que ses ayants-droit aient à livrer, des batailles juridiques ». Une revendication qui fait écho à la procédure judiciaire que livre la famille d'Émilie Jaumain à l'égard de l’Inrae.
Par ailleurs, le CCNE suggère de mettre en place une information collective sur les risques liés aux prions, via les sites internet des institutions de rattachement des laboratoires, et d'organiser une prise en charge en cas d'inquiétude d'un membre. Ce circuit commencerait par un rendez-vous avec le médecin du travail, puis en cas de symptôme, avec un neurologue voire avec le centre national de référence des agents transmissibles non conventionnels. Il propose la mise en réseau des médecins du travail, qui doivent par ailleurs être mieux formés, pour les préparer à répondre aux questions des personnels.
Reconnaissance automatique en maladie professionnelle
Enfin, le CCNE préconise de simplifier le processus d'imputabilité de la maladie à prions à l'accident du travail et de le rendre automatique. « La probabilité de contracter une maladie à prions par un autre biais que la contamination professionnelle lorsqu'on a travaillé dans un laboratoire dans lequel des travaux sur les prions ont été réalisés est négligeable », lit-on, étant donné la quasi-disparition des formes liées à une contamination iatrogène ou alimentaire.
Selon Le Monde, le Ministère de l’enseignement et de la recherche « s’engage à mettre en place, avec les opérateurs de recherche et acteurs concernés, l’ensemble des recommandations qui relèvent de sa compétence, et à mobiliser les autres ministères pour les points qui ne sont pas sous sa responsabilité directe ».
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