Si les soins palliatifs ont réellement progressé à l'hôpital ces dernières années, l'offre à domicile et en Ehpad reste très insuffisante, déplore la Cour des comptes, dans un rapport remis ce 5 juillet à la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, dans le contexte du débat public sur la fin de vie. Les soins palliatifs représentent l'un des volets du projet de loi sur la fin de vie qui devrait être présenté d'ici septembre, et sont au cœur d'une stratégie décennale 2024-2034, en cours de préparation sous l'égide du Pr Franck Chauvin.
Alors qu’en 2015, la France faisait partie des mauvais élèves de l’OCDE, quant à ce qu'elle pouvait offrir comme soins palliatifs à ses citoyens, elle se situe aujourd’hui dans la première moitié du classement. Depuis 2015, l'offre a augmenté de 30 %, par rapport aux besoins estimés, qui eux, se sont stabilisés autour de 60 % des décès en 2017 soit 365 273 personnes.
Seulement la moitié des besoins pourvus
Cette augmentation de l'offre est essentiellement portée par l’hôpital où se sont ouverts des lits spécialisés (les LISP, au nombre de 7 500 en 2021) et des services hospitaliers entièrement dédiés aux soins palliatifs (USP), même si les disparités régionales perdurent. Une vingtaine de départements n'ont toujours pas d'USP. L'offre de soins à domicile, malgré une augmentation de l'hospitalisation à domicile de 60 % entre 2018 et 2021, reste, elle, insuffisante. Elle est même « lacunaire voire inexistante dans les établissements médico-sociaux », accuse la Cour des comptes.
Elle appelle donc les pouvoirs publics à renforcer l'offre à l'hôpital et surtout à domicile et en établissement médico-social, en la rendant plus efficiente. Les perspectives démographiques laissent présager une augmentation du nombre de personnes susceptibles d’avoir recours à ces soins. Aujourd'hui, les besoins ne seraient couverts qu'à hauteur de la moitié (48 %) ; la dépense publique de soins palliatifs doit donc nécessairement augmenter, alors qu'elle est de 1,5 milliard d'euros en 2021, en hausse de 25 % depuis 2017, imputable aux séjours hospitaliers. La Cour s'émeut en particulier que le plan 2021-2024 accuse une baisse de ses crédits de 10 millions d'euros par rapport au 4e plan.
Parcours de soins trop centré sur l'hôpital
Alors que la révision de la circulaire de 2008 relative à l'organisation des soins palliatifs est « imminente », la Cour des comptes regrette l'absence de fluidité dans le parcours des patients à l'hôpital, entre lits dans les services de médecine générale, LISP et USP. En outre, les prises en charge dysfonctionnent selon les niveaux : dans les lits non spécialisés, les patients reçoivent trop d'actes médicaux qui n'améliorent pas la qualité de leur fin de vie, les moyens humains sont insuffisants pour les LISP, et les USP sont trop centrés sur une approche médicale.
Quant au développement des soins palliatifs hors hôpital, il bute sur le manque de médecins généralistes traitants et coordonnateurs, ainsi que sur la faiblesse de leur formation. Seulement 1 600 praticiens, sur 80 000 ont suivi une formation continue spécialisée entre 2020 et 2022, selon la Cour. Aussi les Sages préconisent-ils la création d’« un forfait soins de conforts palliatifs » pour les médecins et un financement adapté des soins infirmiers à domicile, un grand plan de formation des professionnels, et la généralisation des équipes mobiles de soins palliatifs sur l’ensemble du territoire.
Manque de stratégie globale
Avec cinq plans de développement de soins palliatifs depuis 20 ans, la France s'est montrée « volontariste », reconnaît la rue Cambon, mais elle pâtit de défauts de structuration et de lisibilité. Manquent aussi une stratégie globale avec un calendrier, des outils de pilotage, et une réelle articulation avec les autres plans de santé publique (comme ceux sur le cancer et la douleur).
La Cour des comptes propose de simplifier la gouvernance en faisant de la Direction générale de l’offre de soin (DGOS) le pilote unique au niveau national. En région, les agences régionales de santé (ARS) doivent être confortées dans leur rôle d’impulsion de la stratégie locale des soins palliatifs, en fixant des objectifs et un calendrier sur 5 ans.
Le financement des soins palliatifs doit être plus lisible ; pour réduire l'écart entre les coûts réels et les tarifs à l'hôpital, objet de critiques récurrentes, la Cour suggère de produire une étude des coûts transparente.
Le grand public à mieux sensibiliser
La sensibilisation du grand public aux notions d'accompagnement palliatif reste très parcellaire. En témoigne notamment le fait que seulement 7,8 % des Français auraient rédigé ses directives anticipées. La Cour incrimine - comme l'IGAS auparavant - les faiblesses de l'ancienne gouvernance du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie (CNSPFV), tout en espérant des améliorations futures.
Le rapport ne prend pas position sur un éventuellement nouveau droit à une aide active à mourir. « Il faudrait commencer par appliquer la loi qui existe avant d'envisager autre chose » a néanmoins commenté Véronique Hamayon, présidente de chambre à la Cour des comptes, devant les députés ce 5 juillet.
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