Le répit n’aura été que de courte durée. Si la transformation de l’aide médicale de l’État (AME) en aide médicale d’urgence (AMU) n’a finalement pas été intégrée à la dernière loi sur l’immigration, le Premier ministre a annoncé fin janvier une réforme du dispositif avant l’été, par voie réglementaire. Les « ajustements » prévus inquiètent les acteurs de terrain impliqués dans l’accompagnement des bénéficiaires du dispositif.
Dans une tribune publiée par Le Monde, un collectif de 36 organisations* alerte sur « le démantèlement à bas bruit » de l’AME, alors que sont attendus « dans les semaines à venir » les arbitrages ministériels et un décret. « Derrière les éléments de langage feutrés du gouvernement (…) se cachent d’inquiétantes pistes de restrictions » du dispositif, s’inquiètent les signataires.
Des travailleurs « qui cotisent », mais « privés de couverture maladie »
Parmi les pistes envisagées, les ONG déplorent le conditionnement de l’accès au dispositif aux ressources du conjoint, une disposition « à rebours de la réforme de l’allocation adulte handicapé (AAH) entrée en vigueur en octobre 2023 » qui déconjugalisait cette aide, est-il souligné. Dans les faits, un plafond de ressources, fixé à 847 euros par mois, exclut déjà des soins des « travailleurs qui cotisent et se voient pourtant privés de couverture maladie », insistent les signataires.
Autre mesure sur la table, la limitation des pièces justificatives d’identité aux seuls documents avec photo constituerait « un obstacle administratif insurmontable pour de nombreuses personnes » (notamment celles ayant quitté leur pays sans pièce d’identité ou victimes de confiscation de leur document), poursuivent les signataires.
De même, l’extension du dépôt physique des demandes de renouvellement « complexifierait encore plus les démarches, tout en alourdissant le travail du service public de l’Assurance-maladie », alors que le non-recours au dispositif atteint déjà 50 % des bénéficiaires potentiels.
L’introduction de nouveaux actes et de nouvelles prestations soumis à entente préalable pour l’accès à certains soins est aussi pointée pour les retards de prise en charge, voire les renoncements aux soins qu’elle entraînerait. Quant à la perspective d’une réinstauration d’une franchise ou d’un droit de timbre pour avoir accès à l’AME, elle avait été rapidement abandonnée à la suite d’une expérimentation entre 2011 et 2012 qui avait mis en évidence ses conséquences négatives, est-il rappelé.
Un dispositif nécessaire à la santé individuelle et publique
Ces « ajustements » apparaissent délétères tant « le dispositif est nécessaire pour la protection de la santé individuelle et publique », interpellent les ONG. Le dernier rapport sur le sujet (décembre 2023), réalisé par le Pr Claude Evin et Patrick Stefanini, conseiller d’État, « réfute aussi bien le fantasme de “la fraude” que celui de “l’appel d’air”, des contre-vérités largement assénées par les détracteurs du dispositif », poursuivent les signataires.
Selon eux, l’instauration d’une carte Vitale pour les usagers de l’AME apparaît comme la « seule mesure acceptable (…) pour favoriser l’accès aux soins des plus précaires, alléger le travail administratif des soignants et de l’Assurance-maladie et renforcer notre santé publique ».
* Dont, dans le domaine de la santé : Médecins du Monde, Médecins sans frontières, France Asso Santé, Act Up Paris, Association des familles victimes du saturnisme (AFVS), Aides, La Case de Santé, Collectif des accidentés du travail, handicapés et retraités pour l’égalité des droits (Catred), Mouvement français pour le planning familial, Sidaction, Sida Info Service, Solidarité Sida, SOS Hépatites.
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