Une consommation de tabac disparate en France, marquée par les inégalités sociales

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Publié le 28/05/2024
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En France, la consommation de tabac reste stable depuis 2019. On observe toutefois des disparités régionales et sociodémographiques importantes, notamment liées au genre et au niveau d’études. Ces mêmes disparités influent sur la probabilité d’entamer et réussir un parcours de sevrage tabagique. Une étude du BEH fait le point à l’approche de la journée mondiale sans tabac le 31 mai.

Crédit photo : GARO/PHANIE

En tant que premier pays fumeur d’Europe occidentale en 2020, la France décompte plus de 12 millions de fumeurs quotidiens. Menée d’après l’enquête statistique 2021 de Santé publique France, une étude publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) montre que la consommation reste stable dans la population générale depuis 2019 mais avec des disparités sociodémographiques et régionales importantes.

Les principaux facteurs associés au tabagisme restent le genre et le niveau d’études avec une majorité d’hommes de moins de 60 ans avec un diplôme inférieur ou égal au baccalauréat et un faible niveau de revenu. Si les femmes fument encore moins que les hommes, l’écart continue à s’amenuiser avec une hausse significative de leur consommation en 2021 par rapport à 2019.

Une hausse de la consommation est également observée chez les personnes les moins diplômées, particulièrement vulnérables face au tabagisme. Le BEH souligne alors la nécessité de « renforcer les actions de lutte contre le tabagisme pour les populations socio-économiquement défavorisées, et adaptées à leurs besoins. »

Des différences régionales multifactorielles

Le rapport du BEH met également des disparités importantes selon les régions, l’Occitanie et Provence-Alpes-Côte d’Azur ayant les prévalences les plus élevées de fumeurs. De l’autre côté du spectre, l’Île-de-France et les Pays de la Loire ont le moins de consommateurs quotidiens par rapport au reste de la France.

La causalité en est multifactorielle, l’étude citant l’image du tabagisme, la facilite d’accès à du tabac à faible prix ou encore l’investissement local dans la lutte contre le tabagisme. On retrouve par exemple un taux particulièrement élevé d’achats transfrontaliers dans les Hauts-de-France, le Grand Est et l’Occitanie, ce qui contribue certainement à la prévalence du tabagisme dans ces régions.

Ce n’est pas seulement le nombre de fumeurs quotidiens qui diffère entre les régions mais aussi leur souhait d’arrêter de fumer. En 2021, plus de la moitié des fumeurs en régions hexagonales exprimaient leur souhait d’arrêter de fumer, sauf en Paca où leur nombre est bien plus faible. Cela pourrait refléter, d’après le BEH, une norme en faveur du tabac plus prégnante.

L’accès encore difficile aux substituts nicotiniques

Dans un second papier du BEH sur l’efficacité de Tabac Info Service (TIS), les auteurs relèvent des contrastes marqués sur les résultats du service d’aide entre les différentes populations de fumeurs. « La probabilité d’être non-fumeur à six mois était moins élevée parmi les femmes, les fumeurs les plus dépendants, ceux ayant une autre addiction ou un problème de santé et les chômeurs », lit-on. Ces résultats concordent avec les disparités sociodémographiques observées précédemment. Alors que les ouvriers ou demandeurs d’emploi faisant appel à TIS sont minoritaires, les auteurs de l’étude soulignent que « les campagnes de promotion du 39 89 doivent continuer à (les) cibler ».

L’élargissement du droit à la prescription des substituts nicotiniques (médecins du travail, kinésithérapeutes, sages-femmes et IDE depuis 2016) est un levier pour aider les patients, rappelle Sébastien Fleury, sage-femme coordinateur et tabacologue au CHU de Toulouse. « L'accès gratuit aux substituts nicotinique améliore la prise en charge mais ils ne sont pas assez prescrits », explique-t-il au Quotidien. Le manque de formation au sevrage tabagique est un frein supplémentaire. « Les soignants sont démunis face aux patients. Mieux formés, ils prescriraient davantage », alerte Sébastien Fleury, membre de la Société française de tabacologie.

De nouvelles stratégies marketing du tabac pour les jeunes

E-cigarettes, tabac chauffé, produits aromatisés… l’industrie du tabac ne manque pas de stratégies pour attirer les enfants et les jeunes adultes vers le tabagisme. En 2022, 37 millions d’adolescents de 13 à 15 ans consomment du tabac sous toutes ses formes. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) appelle à « protéger les jeunes de l’ingérence de l’industrie du tabac » dans un nouveau rapport.

Alors que la majorité des adultes fumeurs sont dépendants avant 21 ans, la prévention auprès des adolescents est primordiale pour réduire la consommation de tabac dans la population générale. « Les industries ciblent activement les écoles, les enfants et les jeunes avec de nouveaux produits qui sont essentiellement un piège saveur bonbon », explique Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS.

Des stratégies nationales sont à mettre en place pour lutter contre la désinformation sur les réseaux sociaux, si la France veut atteindre son objectif de première génération d’adultes non-fumeurs d’ici à 2032.


Source : lequotidiendumedecin.fr