19e Congrès national du CNGE

Un congrès bien dans l’époque

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Publié le 13/12/2019
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Signe de la vitalité de la discipline, le Congrès du Collège national des généralistes enseignants (CNGE), qui s'est tenu du 27 au 29 novembre, à Nantes, a pour la première fois dépassé la barre symbolique des 2 000 participants. Cette 19e édition fut l’occasion de célébrer les 10 ans des premières titularisations des enseignants de la profession et de constater le chemin parcouru par la médecine générale à l'université. Mais aussi d'aborder des sujets d'actualité qui préoccupent aussi une spécialité en première ligne. Pharmacovigilance, souffrance des étudiants et des soignants, mal-être des adolescents, précarité, etc. figuraient parmi les thèmes de ce rendez-vous. Preuve s’il en est que le congrès est dans l’air du temps, la remise des prix a également distingué – quelques jours après les conclusions du Grenelle gouvernemental – les travaux engagés sur les femmes victimes de violences conjugales pendant la grossesse, l’accueil en médecine générale des femmes victimes de violences sexuelles, ou encore le sexisme vécu par les internes de médecine générale. Retour sur cette édition 2019.

Vécu et impact du sexisme sur les IMG

Pour leur thèse de médecine « Description du sexisme rencontré par les femmes internes en médecine générale et impact sur la construction de leur identité professionnelle », Fanny Rinaldo et Fauve Salloum se sont appuyées sur une étude qualitative menée à travers 16 entretiens avec des internes de médecine générale. Les deux internes strasbourgeoises relatent le sexisme vécu par des IMG, sans qu’il soit pour autant identifié comme tel. De la part de leurs supérieurs hiérarchiques masculins, le sexisme allait du paternalisme (« Tu es appelée ma puce, ma belle »), à l’humiliation ou les gestes déplacés (« Toi, tu es moche, je ne te parle pas », « Il me regarde et il me donne une fessée dans le couloir »), en passant par une remise en question des compétences (« J'avais un dossier en main, il l’a regardé, il l’a pris, il m’a dit - non, non, non, (…) va voir plutôt la pédiatrie »). De la part des patients, le sexisme décrit se manifeste par une minimisation de la position sociale. Souvent, l’interne est prise pour l’infirmière, la séduction et la réification, de la violence verbale et physique mais aussi de l’exhibitionnisme et des agressions sexuelles. Le sexisme de la part d’autres femmes médecins s’incarne principalement à travers des remarques négatives sur la maternité de consœurs ou vis-à-vis des patientes. Que ce soit du sexisme ordinaire ou ouvertement hostile, il est mal vécu par les IMG qui développent des stratégies de défense pour y faire face : la fuite de certains lieux de stage, la minimisation de certains comportements ou parfois l’opposition, plus facile face aux patients.

Le sexisme se place dans un contexte particulier car il est lié à d’autres violences intriquées : celle des études médicales ou les violences hiérarchiques notamment. La culture d’une « élévation par la souffrance » joue aussi dans le maintien de ces violences. Elles ont une répercussion sur la construction de l’identité professionnelle des femmes médecins et se perpétuent à cause des difficultés liées à l’identification du sexisme mais aussi à une prise de parole compliquée : de par leur position hiérarchique mais aussi en tant que femme : quand elles parlent, elles peuvent être qualifiées de « belliqueuses », d’« hystériques ».

Prix de la meilleure communication orale du Congrès 2019

Heureux qui comme un MSU

Être maître de stage des universités rend-il plus heureux dans son exercice ? Cela semble être le cas pour les MSU du Finistère. Pour les 121 généralistes répondant parmi les 578 contactés, la satisfaction globale est de 70 % pour l’ensemble des praticiens. Elle est significativement plus élevée chez ceux qui sont MSU par rapport aux confrères qui ne le sont pas. Cette différence de contentement dans leur exercice se retrouve dans huit domaines : le taux de responsabilité, la diversité et la liberté dans la pratique, la reconnaissance dans son travail, la relation aux confrères et avec les patients, l’environnement de travail et le nombre d’heures travaillées. En revanche, être MSU n’est pas perçu comme ayant un impact positif sur d’autres aspects de l’exercice comme : le travail supplémentaire en dehors du temps de consultation, les revenus, le sentiment d’être compétent, le retentissement du travail sur la santé, et la relation avec les autres professionnels de santé (paramédicaux…).

Bernard Le Floch, Jeanlin Viala, Patrice Nabbe, Marie Barais, Sophie Lalande, Jean-Yves Le Reste. DUMG de Brest

Le non-respect des règles pèse sur les internes

Il a beaucoup été question de souffrance des internes pendant ce congrès 2019, le suivi et les solutions mais aussi le constat. À Besançon, 70 % des internes en médecine générale présentaient au moins une sous-dimension du burn-out. 14 % présentaient un score élevé pour l’épuisement émotionnel, 45 % pour la dépersonnalisation et 37 % pour l’accomplissement personnel. Les principaux facteurs associés au burn-out sont le non-respect du repos de garde ou de la demi-journée de formation, le recours difficile à un senior, l'absence de reconnaissance et le temps libre jugé insuffisant. Si les IMG connaissent très mal les structures déjà existantes à leur disposition, ils sont en revanche favorables à plusieurs mesures de prévention. La création d’un contrat de travail pour les internes arrive en tête, suivie de la diminution du temps de travail ou la réalisation d’une évaluation individuelle à mi-stage ou d’une fiche de poste spécifique à chaque stage. En revanche, ils ne sont pas favorables à une visite médicale annuelle obligatoire chez le médecin traitant.

Rémi Bardet, Axel Borey, Maxime Paysant. DMG Besançon

Dépression de l’adolescent, plaidoyer pour un dépistage plus systématique

«Le mal-être pourrait être dépisté systématiquement en consultation de médecine générale. » à l’occasion de la présentation de leur travail de thèse, les Drs Laura Cazotte et Marine Cransac ont appelé à systématiser davantage le repérage des troubles de l’humeur chez les adolescents.

Alors que le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les adolescents et que près d’un tiers présente un état sub-dépressif voire une dépression, la grande majorité s’estiment pourtant en bonne santé. Cherchant à mieux comprendre cette discordance, les deux thésardes ont interrogé 19 jeunes de 12 à 18 ans. Résultats : les adolescents ont de nombreuses connaissances sur la santé mentale et identifient clairement la dépression comme une modification pathologique de l’humeur avec des symptômes spécifiques et une rupture vis-à-vis de l’état antérieur. Mais de façon paradoxale, ils la décrivent comme un phénomène pouvant être normal à l’adolescence, et ce qu’elle que soit son intensité. De même, s’ils considèrent le suicide comme l’acte extrême de la dépression, ils relativisent la gravité des idées suicidaires passagères.

« Les ados parlent donc le même langage que nous, professionnels de santé, et disposent d’un bagage de connaissance qui devrait théoriquement leur permettre de reconnaître et verbaliser une éventuelle souffrance psychologique, résument les chercheuses, mais la fréquence élevée des symptômes dépressifs au sein de la population adolescente leur donne une impression de banalité. La limite entre ce qui est normal et ce qui est pathologique est donc floue pour eux, freinant leur recours au soin. »

Dans ce contexte, les jeunes thésardes invitent à dépister de façon plus systématique le mal-être et la dépression des adolescents en médecine générale, en utilisant par exemple le questionnaire BITS.

Reste que dans leur étude, les adolescents interrogés cantonnent volontiers le généraliste à son rôle de somaticien et le perçoivent comme peu qualifié pour les problématiques de santé mentale.

Isabelle Cisamolo, Michel Bismuth, Laura Cazottes, Marine Cransac, Mathilde Berodier, Leila Latrous. DUMG Toulouse

Toux sous sartans, mythe ou réalité ?

Si les IEC sont des pourvoyeurs de toux bien connus, le lien entre toux et sartans est davantage controversé. Contrairement aux IEC, ils n’ont théoriquement pas d’impact sur la bradydikinine car ils agissent plus en aval sur la cascade rénine-angiotensine. Mais d’autres voies physiopathologiques pourraient être impliquées dans l’apparition de la toux.

Afin d’y voir plus clair, Xavier Humbert et al. ont passé au crible les données de deux bases de pharmacovigilance : la base nationale française (BNPV) et le registre VigiBas de l’OMS.  

Dans ce dernier, 12 464 notifications de toux sous sartans ont été identifiées. à l’exception de l'azilsartan, tous les sartans étaient concernés avec des odds ratio rapportés allant de 1,40 à 2,67. Dans la base française, 14 cas de toux ont été retrouvés. Dans les deux cas, les femmes étaient les plus touchées (62,2 % dans VigiBase, 71,4 % dans la BPNV) avec un âge moyen de 65 ans.

Pour les auteurs, « il existe donc un vrai signal de classe ».

Xavier Humbert, Francois Le Bas, Basile Chrétien, Sophie Fedrizzi, Joachim Alexandre. DMG Caen Normandie 

Incontournable Antibioclic   

En 2011 naissait Antibioclic, nouvel outil d’aide en ligne à la prescription d’antibiotiques. Huit ans plus tard, le site est devenu incontournable avec près de 10 000 visiteurs quotidiens. Si les généralistes restent les principaux utilisateurs, l’analyse des données d’utilisation présentée par Danny Asfari et al. montre une diversification de la population y ayant recours avec une part croissante d’autres spécialistes (8,4% en 2019 vs 3,1% en 2014), de pharmaciens (3% vs 0,89%) et de sages-femmes (1,3% vs 0,37%).

La grande majorité des utilisateurs déclarent avoir suivi les recommandations du site lors de leur dernière utilisation, mais beaucoup indiquent également avoir déjà prescrit différemment, en mettant une durée de traitement plus longue (19,2 % en 2019) ou en prescrivant un antibiotique alors qu'Antibioclic n'en préconisait aucun (37,9 % en 2019).

Danny Asfari, Pauline Jeanmougin, Xavier Lescure, Josselin Le Bel, Tristan Delory, Sylvie Lariven. DMG Nantes

Amandine Le Blanc et Bénédicte Gatin

Source : lequotidiendumedecin.fr