Un lien entre carences en vitamine D et maladie d’Alzheimer ?

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Publié le 19/05/2017
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Si une carence en vitamine D a déjà été fréquemment pointée du doigt dans le cadre de certaines maladies chroniques, deux études suggèrent à présent qu’elle serait une des causes possibles de survenue de la maladie d’Alzheimer en particulier lorsqu’elle est associée à une alimentation pauvre en caroténoïdes et en acides gras polyinsaturés. Ces travaux menés par deux chercheuses à l’Inserm de l’unité de Bordeaux, Catherine Féart et Cécilia Samieri, ont été récemment publiés dans Alzheimer’s & Dementia.

Pour parvenir à ces résultats, les deux scientifiques ont analysé les données de la cohorte des Trois Cités (3C) qui a inclus près de 10 000 personnes âgées de 65 ans et plus en 2000. Tous devaient être en bonne santé ou tout du moins de pas être atteint, à ce moment-là, de la maladie d’Alzheimer. De nombreuses informations ont été recueillies sur les participants lors du suivi (toujours en cours aujourd’hui). En 17 ans, plusieurs mesures sanguines ont pu être collectées et stockées dans une biobanque, et les individus ont pu être vus par un psychologue à des intervalles réguliers pour la passation de tests neuropsychologiques. 

Ces visites ont permis aux neurologues qui s’occupaient de la cohorte de diagnostiquer tous les nouveaux cas de démences dont celles de type Alzheimer.

Les deux spécialistes se sont donc intéressés aux données enregistrées dans la biobanque afin de quantifier les concentrations en nutriments des participants au moment de leur inclusion dans l’étude. Elles se sont intéressées notamment aux acides gras, aux caroténoïdes et aux vitamines E, D, et A, dans la mesure où chacun pouvait potentiellement prédire le risque de démence.

Carence en vitamine D, risque de démence multiplié

Se penchant d’abord sur la vitamine D, « on considère qu'un statut en vitamine D inférieur à 25nmol/L (soit 10ng/mL) est signe d'une carence et un seuil entre 25nmol/L et 50nmol/L démontre une déficience en vitamine D. Ce sont les seuils proposés par l'OMS et par l'Institut de Médecine américaine », explique Catherine Féart. Les scientifiques ont mis en évidence que sur 916 participants, 177 ont développé par la suite une pathologie neurodégénérative dont 124 de type Alzheimer dans les 12 ans qui ont suivi. Apparemment, 25 % des participants avaient une carence et 60 % une insuffisance en vitamine D. Ce qui multipliait par deux le risque de survenue de démence et par trois celui de développer spécifiquement la maladie d’Alzheimer par rapport aux personnes ayant un taux suffisant.

Dans une seconde étude, Cécilia Samieri et une autre chercheuse Camille Amadieu sont allées plus loin et ont tenté d’établir des profils de biomarqueurs de nutriments (vitamine D et autres) associés au risque de survenue de démence à long terme, certains d'entre eux ayant un rôle important dans le fonctionnement cérébral. Elles ont donc analysé les mesures de la concentration sanguine de 22 nutriments solubles dans les lipides dont la vitamine D, mais aussi 12 acides gras, deux formes de vitamines E, la vitamine A et six espèces de caroténoïdes chez 666 personnes ne souffrant pas de démences inclus dans la cohorte 3C. D’après les analyses, les personnes âgées avec les concentrations sanguines les plus faibles en vitamine D, en caroténoïdes et en acides gras polyinsaturés présentaient un risque quatre fois supérieur de développer une démence par rapport à ceux avec des concentrations sanguines les plus élevées pour ces nutriments.

Une piste à creuser

En outre, cette cohorte a aussi confirmé que l’insuffisance en vitamine D est très répandue chez les sujets âgés. Pour les auteures, « le surrisque conféré par cette déficience multiple en nutriments liposolubles apparaît bien supérieur au risque lié à la génétique ». Maintenir un statut adéquat en vitamine D pourrait donc potentiellement contribuer à retarder voire prévenir les démences notamment celles de type Alzheimer. Mais ces études demeurent observationnelles. Pour prouver un lien de cause à effet et ainsi penser à prescrire de la vitamine D dans le cadre de troubles cognitifs « il faudrait réaliser une étude d'intervention qui permettrait de prouver la causalité de la relation : des études de ce type sont en cours en France et aux USA, dont les résultats sont attendus prochainement », souligne Catherine Féart.

Ces essais cliniques sont d’autant plus nécessaires que si d’autres travaux d’observations avaient déjà évoqué une relation entre une carence en vitamine D et un risque accru de démence, d’autres études n’ont pas mis en évidence cette association. « Il est possible que ce soit parce que les seuils utilisés pour la vitamine D n’étaient pas les mêmes que les nôtres », suppose la scientifique.

 


Source : lequotidiendumedecin.fr