Innovation médicale : 15 chirurgiens opèrent en réalité mixte dans 13 pays, une première mondiale

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Publié le 10/02/2021
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Crédit photo : DR

Pour la première fois, 15 chirurgiens orthopédiques de 13 pays* différents ont pu mener des interventions grâce à des lunettes de réalité mixte Hololens 2 (Microsoft). Le pilotage de cet évènement, qui a eu lieu au début de cette semaine, a été réalisé depuis l'hôpital Avicenne de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).

La technologie de la réalité mixte a déjà été testée en 2017 à l'hôpital Avicenne par le Pr Thomas Grégory, chef du service de chirurgie orthopédique et traumatologique, également instigateur de ces 24 heures d'opérations à travers le monde. Entre-temps, un travail titanesque a permis d'améliorer l'outil et sécuriser les procédures chirurgicales. Dans son champ de vision, le chirurgien accède à des informations médicales holographiques du patient. Des vaisseaux sanguins aux angles du squelette, rien n'échappe à son oeil.

Le cockpit du chirurgien

Depuis Paris, le Pr Grégory a suivi une dizaine d'opérations, principalement des arthroplasties filmées et retransmises en direct. La première d'entre elles, une arthroplastie totale du genou d'une patiente de 61 ans, a été menée par les Drs Rashed Alshaeel et Jaber Alkhyeli du VPS Burjeel Medical City à Abou Dabi, capitale des Émirats arabes unis. Dans le bloc opératoire, la scène est un peu surréaliste. Le patient est allongé sur la table d'opération, tandis qu'à côté, les praticiens habillés en surblouse, sont munis de leurs lunettes high-tech, les bras en mouvement. Dans leur champ de vision, ils ont accès aux radios du patient en 3D et au programme opératoire. Par commande vocale ou gestuelle, le chirurgien qui opère fait défiler les différentes étapes : à un mètre devant lui, il voit les os du patient projetés en 3D ou encore les implants qu'il utilisera accompagnés d'annotations.

« C'est le cockpit du chirurgien, avance le Pr Grégory. La réalité mixte nous permet d'avoir des infos sur le patient, de réduire les risques d'erreurs médicales et d'améliorer la qualité de l'opération. Nous pouvons aussi communiquer avec d'autres chirurgiens à l'autre bout de monde ou des spécialistes de l'hôpital comme le radiologue ou l'infectiologue en cas de questions ou décisions à prendre pendant l'opération. »

Un partage en temps réel

L'arthroplastie totale du genou est suivie en direct par deux autres praticiens étrangers. Plongés dans le champ de vision du Dr Alkhyeli, ils partagent leurs expertises en temps réel. « Les chirurgiens ne parlent pas tous le même langage, ici nous partageons les différentes approches médicales d'un cas. On peut homogénéiser les pratiques et cela permettra d'améliorer la prise en charge d'un patient », illustre le Dr Massimo Chessa, cardiologue interventionnel à l'hôpital San Donato, en Italie. Après une heure et demie d'opération, la pose de la prothèse est effectuée entre le tibia et le fémur. L'heure est au bilan. Les chirurgiens Émiratis sont satisfaits. « La connectivité des Hololens 2 est meilleure que le premier modèle de 2017, c'est plus facile à manier, plus précis. Nous pouvons vérifier l'alignement des os, l'angle d'inclinaison du genou, l'amplitude de mouvement…Toute l'opération a été planifiée en amont, nous connaissons la durée de l'opération, c'est un outil qui nous assiste vraiment », juge le Dr Alkhyeli.

L'acte chirurgical parfait

En France, c'est la maison des sciences numériques de l’université Sorbonne Paris Nord qui élabore les applications de guidage permettant la planification de l'opération. « Quelques jours avant l'acte, on utilise l'imagerie du patient pour modéliser la correction voulue, on la transforme en 3D, on planifie tout par ordinateur pour avoir un résultat optimal », précise le Pr Grégory. La maison des sciences numériques est aussi un lieu de formation international. Des étudiants en médecine ou de jeunes chirurgiens viennent se former et s'entraîner. 

Même si l'objectif, à court terme, est de démocratiser l'usage des lunettes, les praticiens imaginent déjà le potentiel de cette technologie. À moyen terme, ils attendent plus d'imageries du patient en 3D et un calibrage automatique des clichés anatomiques sur le squelette du patient pour gagner en précision. Ils estiment aussi intéressant d'arriver à collecter et agréger toutes les data d'un patient afin qu'un algorithme définisse « l'acte chirurgical parfait » totalement personnalisé d'un patient. 

* Afrique du Sud, Allemagne, Belgique, Bolivie, Brésil, Émirats arabes unis, États-Unis, France, Inde, Italie, Maroc, Mexique, Ukraine


Source : lequotidiendumedecin.fr