Jean-Marie Dru, président de la fondation de l'Académie de Médecine

« Les pays émergents misent sur des innovations frugales et de rupture »

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Publié le 14/05/2018
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Crédit photo : AFP

LE QUOTIDIEN : Pourquoi cette thématique sur les innovations inversées en santé ?

Jean-Marie Dru : La fondation a pour raison d'être la promotion de la médecine française dans le monde. Nous avons organisé plusieurs forums bilatéraux avec le Brésil, la Chine, le Mexique, la Russie, l'Inde et le Sénégal qui portaient surtout sur des sujets de santé publique comme le vieillissement ou l'obésité. Nous nous sommes rendu compte que ces pays vivaient des innovations, notamment dans les technologies, les pratiques médicales et les politiques de santé. Il est intéressant que la France s'inspire de ce qu'il y a de plus novateur en matière de santé. Une douzaine de représentants de ces pays seront présents au FAMx pour échanger sur ces sujets. 

Les pays émergents sont-ils un modèle à suivre dans la lutte contre les déserts médicaux ?

Oui, car des solutions y sont déjà développées à grande échelle. En Afrique ou en Asie, la télémédecine touche plusieurs millions de personnes.

Les accompagnateurs de santé sont un autre exemple parlant. Au Rwanda et en Haïti, où il existe comme chez nous un manque de médecins, des personnes qui ne sont pas des professionnels de santé peuvent, après avoir suivi une formation, réaliser un premier filtre de patients. Le prédiagnostic n'est peut-être pas 100 % sûr, mais ce système de triage a tout de même été adopté il y a sept ans aux États-Unis, dans des quartiers prioritaires de Boston et de Los Angeles. À Boston, cette solution a permis de réduire de près de deux tiers les dépenses d'hospitalisation dans les zones concernées. C'est déjà un retour positif d'une innovation inversée à succès.

Peut-on s'en inspirer pour optimiser nos coûts en santé ?

Beaucoup de systèmes de santé sont dans l'impasse budgétaire, principalement du fait de la croissance des dépenses de santé. Regardons ce qui est fait dans les pays émergents, qui misent sur des pratiques et des innovations frugales et de rupture. À titre d'exemple, une opération de la cataracte, selon un protocole mis en place par un chirurgien en Inde, coûte 40 dollars américains [33,50 euros, NDLR]. En France, l'équivalent ou presque est de 5 000 dollars [4 200 euros, NDLR]. Les professions médicales y sont d'ailleurs plus disposées car elles ont moins de freins réglementaires et culturels. Ces pays mettent sur la table des solutions moins coûteuses car ils ont moins de ressources. La question reste la suivante : en étant moins coûteuses, ces innovations seront-elles acceptées par les pays développés ?

 

Propos recueillis par Sophie Martos

Source : Le Quotidien du médecin: 9664