Objets connectés, intelligence artificielle

Regards croisés de deux leaders syndicaux

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Publié le 03/07/2018
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Demain, les médecins auront-ils affaire à une génération de patients hypocondriaques et hyperconnectés qui les empêcheront de faire correctement leur métier ?

À l'occasion du dernier congrès de la Mutualité, les Dr Jean-Paul Ortiz et Jacques Battistoni, respectivement patrons de la CSMF et de MG France, ont échangé sur ce sujet. Si les points de désaccord ne manquent traditionnellement pas entre le néphrologue de Cabestany (Pyrénées-Orientales) et le généraliste d'Ifs (Calvados), leur regard sur la médecine de demain est plutôt convergent. Leçon numéro un : ne pas opposer un refus de principe à la médecine connectée, qui va percuter les pratiques. La plus-value scientifique est à prendre en ligne de compte : « L'outil Watson analyse une image de façon 20 à 100 fois plus fine qu'un être humain, rappelle le Dr Ortiz. Il sera toujours plus performant que le radiologue ou l'anatomopathologiste, même si le médecin reste irremplaçable. »

Rôle de transgression 

Face à la puissance scientifique de la machine, que reste-t-il au médecin ? Son libre arbitre et son expertise, clament en chœur les deux leaders syndicaux, qui revendiquent le « rôle de transgression » des professionnels de santé face aux technologies et à l'intelligence artificielle. « Il ne suffit pas de savoir pour faire, argumente le Dr Battistoni. Et mesurer des données sans avoir connaissance de la raison de la démarche ne sert à rien. » Sans l'homme, le robot ou l'algorithme n'est rien. Un rôle flatteur pour le médecin.

Autre conviction : la montée en puissance de l'intelligence artificielle peut être une opportunité pour les praticiens de se recentrer sur leur cœur de métier : l'accompagnement du patient.  

Certains aspects de la médecine connectée inquiètent toutefois les deux présidents. L'exploitation des données de santé par des entreprises commerciales peu préoccupées par le « tact et mesure » médical tourmente le Dr Ortiz : « Watson, c'est IBM », rappelle-t-il. Le Dr Battistoni partage cette opinion. Et d'ouvrir le débat à son tour : « Quid de l'égalité d'accès aux soins ? La médecine prédictive est-elle pour tout le monde ? Rien n'est moins sûr quand on voit qu'aujourd'hui les Français ne sont pas égaux face à un simple dépistage du cancer de la prostate. »

 

A.B.-I.

Source : Le Quotidien du médecin: 9678