Loi sur la fin de vie

Des clarifications très utiles

Publié le 14/04/2016
Article réservé aux abonnés

C’est en janvier que le Parlement a adopté la loi sur la fin de vie portée par Jean Leonetti (Les Républicains) et Alain Claeys (PS). « Certains estiment que c’est une loi de demi-mesure. Ce n’est pas mon sentiment. Il s’agit clairement d’une loi qui n’est pas en faveur de l’euthanasie, ni du suicide assisté. Et c’est un texte qui comporte des avancées et apporte des clarifications très utiles », indique la Pr Marie-France Mamzer, professeur d’éthique et de médecine légale à l’université Paris-Descartes.

Cette loi vient en complément de celle votée en 2005, toujours à l’initiative de Jean Leonetti. Ce nouveau texte instaure un droit à demander une « sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associée à une analgésie et à l'arrêt de l'ensemble des traitements de maintien en vie »Cette sédation pourra être délivrée dans deux cas. Le premier concerne un patient atteint d'une affection grave et incurable, avec un pronostic vital engagé à court terme, et présentant une souffrance réfractaire aux traitements. Le deuxième cas concerne un patient atteint d'une affection grave et incurable et qui, en cas d’un arrêt de traitement, engagerait son pronostic vital à court terme et serait susceptible de provoquer une souffrance insupportable.

La collégialité garde-fou essentiel

« Il y a une certaine ambiguïté dans cette notion de pronostic vital engagé à court terme. En effet, on peut très bien considérer qu’une insuffisance rénale terminale est une maladie grave et incurable en l’absence de greffe et qui engage le pronostic vital à court terme en cas d’un arrêt des traitements, explique la Pr Mamzer. Mais ce qui est intéressant, c’est que cette loi ne décide pas de tout mais laisse de la place au raisonnement médical et à la discussion collégiale », ajoute-t-elle.

Le texte stipule aussi que l’hydratation artificielle est bel et bien un traitement pouvant être interrompu, tout comme la nutrition, lors d’une sédation profonde et continue. « On peut s’étonner que la loi vienne qualifier ce qu’est un traitement. Habituellement, les juristes ne sont pas habilitées à définir cela. Mais on sent que cette évolution est liée aux débats autour du cas de Vincent Lambert », souligne la Pr Mamzer.

La nouvelle loi renforce aussi l’autonomie des personnes en visant à rendre les directives anticipées plus contraignantes. « C’est important de dire qu’une personne, l’ayant exprimé clairement de son vivant, aura droit à cette sédation profonde et continue. Mais c’est aussi une bonne chose de laisser aux médecins la possibilité, dans certains cas, de ne pas respecter cette volonté, à condition que cette décision soit collégiale. Cette collégialité est un garde-fou essentiel », souligne Marie-France Mamzer.

La notion de souffrance

Autre point positif : la place donnée à la famille. Aujourd’hui, toute personne peut désigner une personne de confiance habilitée à prendre des décisions à sa place si elle se retrouve inconsciente en fin de vie. « Le rôle de cette personne de confiance est essentiel. Mais très peu de gens en désignent une. Et certains médecins ont tendance à penser qu’en l’absence d’une personne de confiance, il n’y a plus d’interlocuteur. Alors que la famille et les proches sont des interlocuteurs pleinement légitimes ».

La Pr Mamzer salue aussi la possibilité de pouvoir délivrer une sédation au domicile du patient et le fait que la loi évoque à plusieurs reprises la notion de souffrance. « C’est important car aujourd’hui, on sait évaluer et prendre en charge la douleur. Mais on s’intéresse moins au problème de la souffrance, notamment psychique du patient ».

D’après un entretien avec le Pr Marie-France Mamzer, professeur d’éthique et de médecine légale à l’université Paris-Descartes

Antoine Dalat

Source : Bilan Spécialiste