Le big data clinique suggère un médicament

La térazosine pourrait ralentir la progression du Parkinson

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Publié le 23/09/2019
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La térazosine, un médicament de l’hypertrophie bénigne de la prostate, pourrait ralentir la progression de la maladie de Parkinson. Cet espoir vient d’une étude combinant des résultats de recherche fondamentale, des modèles de laboratoires et des big data clinique. Un essai de phase 2 est en projet.
La térazosine protège les neurones de l’apoptose

La térazosine protège les neurones de l’apoptose
Crédit photo : Phanie

« Je pense que notre découverte  offre l’espoir de changer la vie des personnes atteintes de maladie de Parkinson (MP) et peut-être même d’autres types de maladies neurodégénératives », explique le Dr Michael Welsh, directeur de l’Institut biomédical a l’université de l’Iowa (États-Unis), qui co-dirige, avec des chercheurs chinois et espagnols, l’étude publiée dans le « Journal of Clinical Investigation » (1).

À l’origine de ce travail, on trouve la découverte récente d’une autre action de la térazosine (Hytrin) par le Dr Lei Liu (Capital Medical University, Chine), cosignataire de l’étude. La térazosine, prescrite pour traiter l’hypertrophie bénigne de la prostate,  est un alphabloquant qui facilite la miction en relâchant des fibres musculaires de la vessie et de la prostate. Le Dr Liu a observé que, indépendamment de cet effet alphabloquant, la térazosine se lie à la phosphoglycérate kinase 1 (PGK1) et active cette première enzyme de la glycolyse pour majorer la production énergétique d’ATP. In vitro, la térazosine protège ainsi les cellules de l’apoptose.

Cette découverte a orienté les chercheurs vers la MP. En effet, une une des caractéristiques de la MP est la baisse de production d’énergie cellulaire qui s’accroît avec le vieillissement. De plus, diverses formes héréditaires de MP sont causées par des mutations altérant le métabolisme énergétique (PINK1, LRRK2, alphasynucléine, parkine, etc.). Des toxines mitochondriales (MPTP, roténone, paraquat) induisent la maladie et abaissent la production énergétique dans les neurones. Dès lors, la térazosine, en majorant la production énergétique d’ATP, pourrait-elle prévenir la neurodégénerescence apoptotique dans la MP ?

L’équipe de Liu et al. a évalué cela en étudiant d’abord des modèles de MP induits par toxines ou mutation génétique chez la mouche, la souris, le rat et sur des cellules humaines. En traitant par térazosine ces divers modèles de MP, ils ont constaté que l’alpha-bloquant permettait d’augmenter les taux cérébraux d’ATP et de ralentir voire de prévenir la perte neuronale. De surcroît, la térazosine augmente les taux de dopamine et restaure partiellement la fonction motrice. Lorsque ce médicament a été évalué sur différents modèles animaux de MP, l’amélioration a été visible comme les modifications moléculaires dans le cerveau associées à la mort cellulaire et la coordination motrice.

L’équipe a ensuite analysé deux bases de données de patients MP afin d’examiner si la térazosine pouvait ralentir la progression de la maladie. Ils ont comparé les patients traités par térazosine (ou analogues : doxazosine, alfuzosine) à ceux traités par tamsulosine, un alpha-bloquant prescrit pour traiter l’hypertrophie bénigne de la prostate mais qui ne se lie pas à l’enzyme PGK1 et donc sans effet sur les taux d’ATP. La petite base de données du projet PPMI (Parkinson’s Progression Markers Initiative), débuté en 2002 par la Fondation Michael Fox, montre que les hommes (n  = 13) traités par térazosine ou analogues pourraient avoir un ralentissement du déclin moteur par rapport aux autres (n = 293).

La base de données bien plus vaste de IBM Watson/Truven (plus de 250 millions de personnes) a permis de comparer 2 880 patients MP traités par térazosine ou analogues (4 821 personnes années) et 15 409 patients MP traités par tansulosine (21 409 personnes années). Les résultats de ce big data suggèrent que, en conditions de vie réelle, la térazosine et ses analogues atténuent les symptômes cliniques et complications de la maladie de Parkinson.

Can R. et al., The Journal of Clinical Investigation,10.1172/JCI129987, 2019

Dr Véronique Nguyen

Source : Le Quotidien du médecin