Résultats préliminaires d’une enquête de pharmacovigilance

Lévothyrox : des problèmes de dosage, et des symptômes non expliqués

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Publié le 16/10/2017
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levothyrox

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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

« Les effets indésirables (EI) les plus fréquemment rapportés sont : fatigue/asthénie, céphalées, insomnie, vertiges, myalgies/arthralgies, alopécie. Ces effets étaient déjà rapportés avec l’ancienne formule mais leur fréquence de notification est augmentée », souligne l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). 

Selon les résultats préliminaires de l’enquête de pharmacovigilance, 14 633 signalements concernant les effets indésirables de la nouvelle formule du Lévothyrox, entre fin mars et mi-septembre, pour 2 528 847 personnes ayant eu au moins un remboursement de Lévothyrox nouvelle formule entre janvier et juin 2017.

Problème de dosage, mais pas seulement

De façon attendue, l’analyse des cas signalés suffisamment documentés met en évidence des cas d’hypo ou d’hyperthyroïdie qui nécessitent un dosage de la TSH et une adaptation du traitement pour retrouver l’équilibre.

Toutefois, souligne l'ANSM, il existe aussi une « symptomatologie aspécifique, associant des signes d’hypo- et d’hyperthyroïdie, présente chez des patients chez lesquels la biologie est en faveur d’une hypo- ou d’une hyperthyroïdie, mais également chez des patients à TSH dans les normes attendues ». Ces derniers cas sont plus problématiques car « la présence de signes cliniques chez les patients à TSH dans les normes attendues pose l’hypothèse d’effets indésirables expliqués par d’autres facteurs qu’une dysthyroïdie et mérite plus d’investigations. »

L’ANSM suggère donc que la fréquence élevée des signalements et les EI non liés à une dysthyroïdie soient « discutés au sein d’un groupe multidisciplinaire (comprenant professionnels de santé et patients) ad hoc. » Face à l’afflux de signalements, seule 5 062 d’entre eux ont été saisis dans la Base nationale de pharmacovigilance (BNPV), dont 2 447 « non graves ». Les cas « graves » sont « déclarés comme ayant des conséquences sur la vie familiale, professionnelle ou sociale ». Mais, « l’hétérogénéité du codage de la gravité selon les signalements des patients et les éléments disponibles dans ces observations ne permettent pas une analyse détaillée ».

Phénomène similaire en Nouvelle-Zélande

Un phénomène similaire avait eu lieu en Nouvelle-Zélande en 2007-2008. Dans ce pays où une seule marque de lévothyroxine était commercialisée (Eltroxin, par GSK), une explosion des signalements d’EI avait eu lieu après un changement d’excipient, de taille et de couleur des comprimés à propos duquel les patients n’avaient pas été informés en amont. D’autres ressemblances fortes existent avec le cas français : amplification des signalements après la médiatisation des premiers cas (les EI présentés dans les médias étant surdéclarés), méfiance vis-à-vis des autorités de santé, une large part d’EI compatible avec une dysthyroïdie – mais pas uniquement, un acteur médiatisé qui prend fait et cause pour les patients (en l’occurrence, un pharmacien). Le tout malgré une bioéquivalence des deux formules, et une analyse indépendante montrant que le médicament ne présentait pas de défaut. Les signalements se sont arrêtés quand d’autres marques sont arrivées sur le marché, sous la pression du public. Et un an plus tard, 80 % des patients prenaient la nouvelle formule d’Eltroxin.

Fabienne Rigal

Source : Le Quotidien du médecin: 9610