Stock de médicaments, ruée sur le paracétamol, vaccins délaissés... l'armoire à pharmacie des Français pendant l'épidémie

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Publié le 22/04/2020

Crédit photo : Phanie

Quels sont les comportements de consommation des Français en médicaments de ville dans le contexte exceptionnel de l'épidémie ? Le groupement d'intérêt scientifique (GIS) EPI-PHARE, constitué par l'ANSM et la CNAM, dévoile une étude complète de pharmaco-épidémiologie portant sur la dispensation de médicaments remboursés sur ordonnance en pharmacie d'officine durant la première quinzaine de confinement (du 16 au 22 mars — semaine 12 du calendrier — et du 23 au 29 mars, semaine 13).

Deux phénomènes majeurs sont identifiés. Un phénomène de « stockage » des traitements de pathologies chroniques et une « très forte diminution » des produits nécessitant une administration par un professionnel, notamment les vaccins.  

Antihypertenseurs, antidiabétiques et statines

S'agissant du réflexe d'accumulation de certains traitements, il se traduit par « une très forte croissance » des délivrances sur ordonnance en pharmacie de médicaments des pathologies cardiovasculaires, du diabète et des troubles mentaux notamment.

Dans le détail, le surcroît du nombre de patients ayant eu une délivrance atteint 20 à 40 % selon les classes thérapeutiques, par rapport à la même période en 2018 et 2019. Près de « 600 000 personnes supplémentaires » se sont rendues en pharmacie pour la délivrance d’un antihypertenseur au cours de la première semaine de confinement, et 470 000 durant les sept jours suivants. Les chiffres de ce surcroît atteignent respectivement « 230 000 et 175 000 » pour les antidiabétiques et « 270 000 et 220 000 » pour les statines.

La hausse s'observe aussi pour les antirétroviraux VIH (+32 % la première semaine), les antiparkinsoniens (+20 %), les antiépileptiques (+25 %), les produits à base de lévothyroxine (+41 %), les traitements des maladies obstructives respiratoires (+46 %) et les inhibiteurs de la pompe à protons (+17 %). La contraception orale est aussi en nette augmentation (+ 45,3 % soit 140 000 femmes supplémentaires).

D'une « amplitude moindre », la croissance des traitements contre les troubles mentaux est aussi constatée : +22 % pour les antidépresseurs et +21 % pour les antipsychotiques (entre les 23 et 29 mars, soit  50 000 personnes).

Ces achats de précaution s'expliquent en partie par les restrictions de sortie mais aussi la possibilité dans ce contexte pour les pharmaciens de renouveler des traitements chroniques même avec une ordonnance périmée.

23 000 nourrissons non vaccinés

À l’inverse, l'étude révèle que, dans le cadre du confinement, les Français ont délaissé (toujours par rapport à la situation attendue) les médicaments dont l’administration nécessite le recours à un professionnel de santé.

C'est d'abord le cas pour les vaccins, une situation préoccupante déjà soulignée par les autorités. Le déficit d’achat sur ordonnance des vaccins dépassait 50 % en semaine 13 pour les vaccins anti HPV, le ROR et les vaccins antitétaniques. Pour les vaccins penta/hexavalents des nourrissons la baisse était de 23 % la dernière semaine de mars correspondant, selon l'enquête, à 23 000 nourrissons non vaccinés.

La baisse du recours concerne aussi les anti-VEGF indiqués par injection intraoculaire dans le traitement de la DMLA (-13 % dès la première semaine et - 40 % en deuxième semaine) et les DIU (stérilets) avec progestatif (- 59 % en deuxième semaine).

Les produits destinés aux actes diagnostiques médicaux (préparations pour coloscopie, produits iodés pour scanner, produits de contraste pour IRM), eux, ont chuté de 20 % en semaine 12 et de 60 % en semaine 13 du calendrier. « Ces examens non pratiqués, indispensables pour diagnostiquer certains cancers ou maladies graves, pourraient entraîner des retards de prise en charge si la situation venait à se prolonger », préviennent les chercheurs, à l'unisson de la communauté médicale.

Paracétamol en hausse, AINS en baisse

L'étude révèle aussi que les médicaments « en lien avec le Covid-19 » ont eu la faveur des Français dès le début du confinement. C'est principalement le cas du paracétamol : un million et demi de personnes supplémentaires se sont rendues en pharmacie pour ce recours durant la seule quinzaine étudiée (mais la hausse était déjà observée en février, précise l'étude).

En revanche, les délivrances d'AINS ont plongé de 60 % en semaine 13 (-500 000 personnes) principalement sous l'effet de la baisse du recours à l'ibuprofène — à relier à la mise en garde des autorités sanitaires en cas d’infection au Covid-19.

L'étude relève aussi la forte croissance de la délivrance sur ordonnance de chloroquine/hydroxychloroquine « particulièrement en Île-de-France et en PACA ». Une hausse constatée dès fin février pour la chloroquine et à partir de mars pour l'hydroxychloroquine associée ou non à l’antibiotique azithromycine (+21 % en semaine 10 puis +70 % et +145 % en semaine 12 et 13). L'étude estime ainsi à 28 000 le nombre de personnes supplémentaires ayant acquis sur ordonnance un traitement d‘hydroxychloroquine (ou plus rarement de chloroquine) sur les semaines 12 et 13 de 2020.


Source : lequotidiendumedecin.fr