Baisses des tarifs hospitaliers : pour les fédérations, « le point de rupture » est proche

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Publié le 19/02/2018
taris hospitaliers

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Crédit photo : S. Toubon

« Je ne vais pas faire comme si j’ignorais que nous publions les nouveaux tarifs hospitaliers dans deux semaines. Ils seront en baisse. Vous le savez, je le sais, donc je vous propose qu’on se dise la vérité. »

En prononçant ces mots à l'hôpital Simone Veil d'Eaubonne (Val-d'Oise), la semaine dernière, lors de la présentation de la stratégie de transformation du système de santé, le Premier ministre Édouard Philippe a déclenché une levée de boucliers des fédérations hospitalières. 

Affichant un front uni, les présidents de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne (Antoine Dubout, FEHAP, privé non lucratif), de la Fédération de l’hospitalisation privée (Lamine Gharbi, FHP), de la Fédération hospitalière de France (Frédéric Valletoux, FHF) et de la Fédération des centres de lutte contre le cancer (Pr Patrice Viens, UNICANCER) ont signé ce dimanche une tribune aux accents alarmistes dans le « Journal du Dimanche ».

Ce n'est certes pas la première fois que les différents lobbies hospitaliers montent au créneau peu avant la campagne tarifaire annuelle, attendue au début du mois de mars. En 2017, les cliniques réclamaient « l'équité public/privé ». En 2016, les hôpitaux anticipaient les conséquences des « retards successifs » dans la gestion du calendrier des nouveaux tarifs. Mais prendre position ensemble sur un sujet par essence technique dans un hebdomadaire généraliste national témoigne d'une inquiétude accrue. 

Point de rupture proche

« Il est de notre devoir aujourd'hui d'endosser un rôle de lanceur d'alerte, au sens où nous pointons, ensemble, un risque dommageable pour le bien commun, justifient les fédérations dans leur tribune. En l'occurrence, toute nouvelle baisse tarifaire serait très préjudiciable au système hospitalier et à la santé des Françaises et des Français. » « Le point de rupture est proche », préviennent-elles. 

Le contexte est propice à ce coup de sang. La récente grève nationale des soignants en EHPAD et la poussée de fièvre du secteur hospitalier jouent en faveur des fédérations, qui n'hésitent pas à faire le lien entre les baisses répétitives des tarifs et le « malaise général » constaté dans les établissements. « Les baisses tarifaires sont beaucoup plus importantes que nos gains de productivité, limitées par les carcans administratifs qui nous sont imposés, écrivent-elles. Persister dans cette politique à marche forcée est la plus mauvaise des méthodes. »

33 000 emplois menacés à l'hôpital ?

Cette poussée de fièvre autour des tarifs complique la tâche du gouvernement qui vient de présenter plusieurs chantiers à court et moyen terme. Alors que, politiquement, la FHF soutient une bonne partie des réformes hospitalières engagées par la majorité – pour les avoir revendiquées pendant la campagne présidentielle –, la question des tarifs hospitaliers l'a obligée à durcir le ton et à réclamer au gouvernement un « appel à la cohérence ».

Une nouvelle baisse tarifaire aboutirait à une aggravation du déficit des établissements, ce qui se traduirait par la suppression de 33 000 emplois à l'hôpital pour revenir à l'équilibre à la fin de 2018, argumente la FHF. 

Les conférences hospitalières appuient cette position. Les présidents des commissions médicales d'établissements (CME) de CHU ont « déploré fermement » ce coup de rabot tarifaire qui « creusera encore plus les déficits et entretiendra une course inutile à l'activité ». « La situation financière de l'hôpital public devient dramatique », ont renchéri les médecins des CME de centres hospitaliers. « Les régulations et constructions tarifaires opaques, récurrentes, incontrôlables et déconnectés du réel, rendent la tarification à l'activité inapte à jouer son rôle de répartition », dénoncent-ils.

Choquant 

Au nom des cliniques, Lamine Gharbi (FHP) a lui aussi contesté la méthode à marche forcée du gouvernement sur un sujet pourtant sensible: « Je trouve extrêmement choquant qu'on nous annonce dès aujourd'hui des tarifs en baisse, alors que nous sommes encore en pleine concertation », fulminait mercredi dernier le président de la FHP. 

C'est au tour d'Agnès Buzyn d'endosser le rôle de professeur de pédagogie. La ministre de la Santé recevait ce lundi les représentants de la FEHAP. Mardi sera la journée de la FHF et jeudi celle d'UNICANCER. Vendredi, Agnès Buzyn rencontrera un de ses prédécesseurs à Ségur, le Dr Élisabeth Hubert, présidente de la Fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile (FNEHAD).


Source : lequotidiendumedecin.fr