À Creil, une maison de santé innove au service des migrants

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Publié le 22/10/2021
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Pour faciliter l'accès aux soins des réfugiés ou demandeurs d'asile, la maison de santé pluriprofessionnelle de Creil (Oise) s'est organisée avec les associations locales pour proposer une prise en charge spécifique des primo-arrivants. Ce projet est porté par un médecin généraliste, le Dr Svetlane Dimi, épaulée par l'équipe pluriprofessionnelle.

Crédit photo : DR

Créée en 2017, la maison de santé pluridisciplinaire (MSP) du quartier des Cavées à Creil (Oise) est née de la volonté des professionnels de santé de se regrouper pour améliorer la prise en charge des patients, en particulier les populations précaires étrangères.

La prévention est au cœur du projet. Dépistage du VIH, des hépatites virales, vaccination, campagnes de sensibilisation contre les conduites addictives...: l'équipe pluriprofessionnelle composée de cinq généralistes, un cardiologue, un pneumologue, un ORL, trois infirmiers, une sage-femme, un psychologue, un podologue adapte le projet de santé en fonction des besoins des habitants.

La ville de Creil, ancienne cité ouvrière, revendique sa diversité sociale et culturelle avec une centaine de nationalités sur son territoire. « Ici, il y a des foyers d'hébergement, 20 % des habitants sont des migrants, venant de l'Afrique subsaharienne, du Maghreb, de la Turquie, de l'Afghanistan…, explique le Dr Svetlane Dimi, 41 ans, généraliste de la MSP. J'ai proposé que la prise en charge des primo-arrivants soit un axe prioritaire de notre projet de santé. »

Porte d'entrée 

Pour y parvenir, cette ex-infectiologue de l'hôpital de Creil, en accord avec les professionnels de la MSP, a imaginé une organisation spécifique pour prendre en charge cette population fragile. Dès 2018, elle a réuni les associations de l'action sociale de la commune qui aidaient déjà les migrants. Une convention a été signée avec chacune d'elles, permettant aux travailleurs sociaux et aux médiateurs d'assurer des permanences au sein de la maison de santé.

Cette « porte d'entrée » vers le soin permet de faciliter l'accompagnement de ces populations précaires et freinées par la barrière de la langue. Joséphine Nlandu-Babela, médiatrice, travaille avec la structure pluripro depuis trois ans. « Tous les matins, nous recevons les migrants sans rendez-vous, explique-t-elle. Nous les aidons à ouvrir leurs droits et nous leur proposons de faire des bilans santé, des tests de dépistage VIH, de contraception… Puis, nous prenons rendez-vous avec l'équipe médicale de la maison de santé. » L'association se charge de créer les dossiers médico-administratifs des migrants et de les préparer pour les consultations. « Nous jouons le rôle d'interface entre l'équipe médicale et la personne. Et grâce aux bénévoles, nous trouvons des interprètes pour l'accompagner pendant la consultation avec le médecin », ajoute la médiatrice.

La maison de santé propose depuis un an une consultation infirmière. « Les associations, les centres d'hébergement, le SAMU social peuvent appeler l'infirmier pour programmer un rendez-vous rapide de 48 heures ou 72 heures, précise le Dr Dimi. L'infirmier vérifie les carnets de vaccination, le poids, la taille. Le patient se sent tout de suite pris en charge avant même de voir les médecins. »

Parcours migratoire

Pour les primo-arrivants, deux généralistes libéraux de la structure se sont portés volontaires pour réserver deux créneaux de consultations longues par semaine. « L'entretien dure plus de 30 minutes, souligne le Dr Dimi. Cela nous permet d'approfondir la situation, de comprendre le parcours migratoire. C'est un temps dédié pour une personne. La plupart du temps, elle arrive avec sa famille. »

Après la consultation de médecine générale, des rendez-vous avec la sage-femme ou les spécialistes pour un suivi ou des examens approfondis peuvent être pris dans la foulée. Des « protocoles de services » ont été établis entre les généralistes et les infirmiers pour des prises en charge « rapides et ciblées ». Grâce à un système d'information partagé, chaque membre de l'équipe a accès aux informations médicales avec les antécédents du patient. « Cela évite de perdre les données », se félicite la généraliste.

Les deux généralistes de la MSP avaient reçu 52 primo-arrivants en consultation en 2019 (avant la crise sanitaire). « Les pathologies rencontrées sont celles liées au parcours migratoire, qui permet d'expliquer la survenue de certains symptômes. Le stress post-traumatique des personnes séquestrées peut être impliqué dans le diabète, l'hypertension », décrit le Dr Dimi.

Pour optimiser cette prise en charge, l'équipe s'est mise d'accord sur la façon d'orienter ces primo-arrivants. Selon la généraliste, « ce travail de coordination réclame du temps dans un agenda déjà surchargé, une organisation et une entente entre tous. Mais c'est faisable et très motivant ! »

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin