« Donner la clé aux soignants » : au MEDEF, la (re)construction du monde de la santé en question

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Publié le 27/08/2020
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Crédit photo : AFP

Et si la crise sanitaire était l'opportunité qu'attendait le système de santé pour tout changer ? À l'occasion d'une table ronde organisée ce jeudi 27 août par le MEDEF lors de son université d'été, plusieurs acteurs du secteur ont tiré les enseignements des derniers mois afin de tracer à grands traits les fondations du « monde de la santé d'après ». À commencer par Olivier Véran, pour qui la reconstruction du système de santé ne peut se faire sans « donner la clé aux soignants ». « C'est ma conviction depuis très longtemps, a assuré le ministre de la Santé. Il nous faut renverser la logique actuelle afin de ne plus faire perdre de temps aux acteurs et aux structures, étouffés par les contraintes normatives. Moi, je m'engage à les lever ! »

Simplifier, débureaucratiser 

Si le locataire de Ségur fait de la transformation du système de santé un « impératif majeur pour accéder à des soins de qualité, par temps calme comme dans les tempêtes », par où attaquer le chantier ? Par la charpente, répond le Pr Philippe Juvin, chef du service des urgences de l'Hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP) et maire LR de La Garenne-Colombes. « S'il y a bien une leçon à retenir de cette crise, c'est la nécessité d'améliorer la logistique et la gouvernance, jette le médecin. Je ne comprends toujours pas pourquoi il nous a fallu des semaines pour valider des tests là où ça prenait quelques jours dans d'autres pays. Le système de santé a besoin d'une verticalité car il faut que quelqu'un, à un moment, tranche, mais cela doit se faire en association avec des autorités locales pleines de capacités à agir. Car, on l'a vu, cette crise nous a aussi permis de redécouvrir la vertu des circuits courts. »  

Président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), Lamine Gharbi prône pour sa part la « simplification administrative » pour rendre le système de santé de demain efficace. « Une clinique peut attendre dix ans pour obtenir une autorisation de réanimation. Pendant la crise, le secteur privé en a obtenu 100 en seulement trois jours », illustre-t-il. Sur le plateau, son voisin de gauche dodeline de la tête : « Moi aussi, je vote pour la débureaucratisation, même si je suis un bureaucrate en chef », s'amuse Martin Hirsch, patron de l'AP-HP, dans les premières tranchées au plus fort de la crise sanitaire. Son CHU a entamé ce printemps une phase de décloisonnement : « Les hôpitaux, ce sont normalement des citadelles qui s'intéressent aux malades une fois qu'ils ont franchi la porte des urgences. À l'AP, on a pris quatre fois plus de patients en charge à domicile que dans nos lits à l'hôpital. La moitié des médecins généralistes d'Ile-de-France a contribué aux prises en charge des patients atteints de Covid de telle sorte qu'ils puissent rester chez eux », en partenariat avec l'AP-HP, se félicite-t-il. 

Mais pour Sophie Boissard, directrice générale du groupe privé Korian, rien ne sera possible sans davantage de mains pour soigner. L'avenir réclame donc d'« investir sur les soignants », sur le numérique et surtout sur la formation par alternance. « En Allemagne, nous avons 25 000 employés et 10 % sont des alternants. En France, les effectifs sont similaires pour… 200 places en alternance pour les aides-soignantes », regrette-t-elle. 


Source : lequotidiendumedecin.fr