Ces confrères qui ont choisi l'étranger

Dr Pierre Coulon, cap sur l'Asie, loin des arcanes du modèle français

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Publié le 10/08/2018
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Crédit photo : DR

« Tout sauf la France ! » À la tête d’un gros cabinet d’ophtalmologie dans le Gard, le Dr Pierre Coulon a quitté son pays en 2013. Presque sur un coup de tête…

« Je n’avais pas prévu de partir, j’avais une belle activité, une maison achetée depuis 4 ans, mais là, c’était trop! » Rien ne prédisposait a priori Pierre Coulon à faire ses valises : naissance en septembre 1959 à Périgueux, études de médecine à Toulouse, spécialisation en ophtalmologie à Bordeaux… Le voilà qui s'installe à Alès dans le Gard. Un cabinet qui emploiera jusqu’à 7 salariés.

Son intense activité chirurgicale se double alors de nombreux partenariats humanitaires vers l’Asie entre 1992 et 2006. Il est délégué « Asie du Sud-Est » pour l’OPC (Organisation pour la prévention de la cécité) et forme des confrères vietnamiens dans le cadre d’un plan de transfert de compétences sur 10 ans. L’ophtalmologue a également enseigné à Hô Chi Minh-Ville où, depuis 2006, il poursuit une activité régulière et privée au sein de plusieurs établissements au Vietnam. À l’époque, il s’y rend plusieurs semaines, deux à trois fois par an afin d’opérer et maintient des liens privilégiés avec ses confrères vietnamiens depuis la France.

Une qualité de vie dégradée avec 35 à 50 actes par jour

Tout bascule en 2012 lorsque le Dr Coulon veut se lancer dans un projet d’association et de rachat de cliniques en France. Ce sera la goutte d’eau, ou l’expérience administrative et fiscale de trop. Il a alors 54 ans, son projet de clinique n’a généré que des soucis et ses enfants sont autonomes. C’est décidé, il jette l’éponge et quitte la France pour le Vietnam. Arrivé sur place, le Dr Coulon a une activité plus médico-chirurgicale en orbito-palpébrale et traite les dystonies. Il va exercer dans trois établissements différents, dont un hôpital et une clinique privés ainsi qu'un établissement public. Le Dr Pierre Coulon résume ainsi, la décision prise un jour de mai 2012. Avec une philosophie toute simple : « Si quelqu’un m’embête, je pars, je ne veux pas m’aliéner ! Je veux me sentir libre et sans contraintes. »

À vrai dire, les conditions d’exercice étaient aussi peut-être pour quelque chose dans sa décision : l'ophtalmo vivait bien mal une part administrative de plus en plus lourde, et une qualité de vie dégradée avec 35 à 50 actes par jour. Une cadence pourtant nécessaire pour rentabiliser un centre d'ophtalmologie dont l'investissement en équipement est proche du million d'euros précise le praticien. À ce rythme inhumain, comme il le dit « au bout d'un certain temps, votre patience s’amenuise et votre humanité aussi ».

« Des soins et des jeux »

Aujourd'hui, le divorce semble consommé : l’ophtalmologue ne supporte ni le système médical français ni son mode exercice et pointe du doigt la responsabilité des politiques et le diktat des mutuelles. Pour lui le vers de Juvénal, poète de la Rome antique « Du pain et des jeux » s'est transformé dans nos démocraties modernes par « Des soins et des jeux ». Le médecin tempête contre « la France qui a le système de soins le plus cher au monde avec les actes médicaux et chirurgicaux les moins payés au monde ». À preuve, insiste-t-il, après 7 années de médecine générale, 4 ans d’internat et 3 années de clinicat, seuls 43 euros net lui reviennent, après impôts, pour une chirurgie de la cataracte facturée 275 euros (tarif de la Sécurité sociale)…

Las de cet état de fait mais sans vendre son activité d'ophtalmologie, il liquide son patrimoine en juillet 2013. En octobre de la même année, il s'envole pour le Vietnam. Cinq ans se sont écoulés depuis. En 2017, après 4 années passées en Asie, le Dr Coulon envisage de rentrer en Europe avec la détermination de « Tout sauf la France ». Il est désormais installé depuis peu en Suisse et apprécie, dans sa nouvelle clinique, les rythmes de travail humains qui, dit-il, permettent l'écoute, la patience et l'humanité.                                                                


Source : lequotidiendumedecin.fr