Relations médecins-patients

J’affiche mon « Vaxxie » : Vaccin Covid, l’exemplarité comme argument

Publié le 15/01/2021
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Je me vaccine et je le fais savoir aux patients et aux collègues. Ou comment le médecin généraliste s’il est convaincu de l’efficacité du vaccin, peut devenir un prescripteur de référence. Eclairage avec les Drs Anne Monier (SFSP, Epiter) et Christian Lehmann.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Depuis le 3 janvier, les médecins quinquagénaires (ou plus) torse nu fleurissent sur les réseaux sociaux. On y trouve aussi des médecins femmes à la manche élégamment retroussée. Tous ont choisi de faire de leur vaccination un sujet de communication. Sous le hastag #jesuisvaccine, on retrouve les Drs Patrick Boué (président du Conseil national de l’ordre des médecins), Michèle Rubirola (ancienne maire de Marseille), des médecins plus anonymes et surtout des médecins « des plateaux télés » comme le Dr Michel Cymes, Karine Lacombe, Alain Fischer, Jean Paul Hamon, Mathias Wargon

L’idée de montrer que les médecins éligibles adhèrent en masse à la campagne vaccinale peut sembler judicieuse. Mais, comme on pouvait l’attendre dans cette période de défiance envers les « experts » sanitaires – et ce d'autant plus que le Pr Didier Raoult a été très discret sur le sujet- les réactions des utilisateurs des réseaux ont été mitigées : « c’est de l’eau, pas un vaccin », « encore un nouveau pas vers la dictature sanitaire », « pourquoi eux y ont accès et pas nous »….

Pour le Dr Anne Monier (Société Française de Santé Publique, Epiter) « si depuis l’épisode H1N1 – qui a pourtant été un fiasco – on sait que les Français font confiance à leurs médecins généralistes en terme de vaccination, la médiatisation de la vaccination des praticiens qui ont occupé les écrans pendant l’année 2020 est peut-être contre-productive. Comment faire confiance à ces mêmes experts qui ont asséné des certitudes puis les ont contredites sur les masques, les traitements ou le confinement et qui s’emparent désormais du vaccin ?». Aux yeux de  la coordonnatrice de l’enquête Covigie, pas de doute : «C’est le médecin généraliste qui est le meilleur prescripteur des vaccins car il sait, dans une démarche globale, donner une information adaptée au patient qu’il connaît bien, lever les craintes et discuter des raisons qui le font adhérer lui même à ce traitement ».

D’ailleurs, toujours sur les réseaux sociaux, on voit désormais des conversations sur « la valeur de l’exemple du médecin généraliste ». Le premier prévient, pédagogue : « moi je leur dit dès que c’est possible, je me fais vacciner ». Le second le montre : « j’ai fait un selfie de mon vaccin (un vaxxie), je les montre aux réticents ». Autre méthode pour montrer sa détermination : « j’ai affiché une copie agrandie de mon certificat de vaccination dans la salle d’attente ». Et la méthode coué marche aussi « après avoir argumenté pendant des semaines, je dis aux patients que pour moi le plus tôt sera le mieux et désormais sans aucun argument, sans aucun autre discours, un grand nombre de patients indécis me disent : ah si vous le faites, je le fais aussi ».

Interrogé par « Le Quotidien», le Dr Christian Lehmann affirme :  « En ville, les médecins généralistes ont une proximité de vie avec leurs patients, bien plus qu’à l’hôpital où les infirmières, aides soignants et brancardiers ont les contacts les plus intimes. Faire partie du quotidien de la vie des patients – parfois pendant de longues années – permet d’être un référent de long terme, même si certaines périodes de la relation sont plus tendues que d’autres.» Ce médecin généraliste de Poissy raconte que « depuis quelques semaines, l’une des première chose que me demandent les patients c’est :" Et vous docteur, vous allez faire quoi ? Parce que moi je suis pour ou parce que moi je suis contre" ». A partir de cette phrase, il est possible, selon lui, de nouer un dialogue informatif en précisant qu’il n’existe pas d’obligation vaccinale et en étayant ses propres motivations à la vaccination en tant que médecin et citoyen. Le praticien estime que dans ce cadre, on peut même faire état de ses incertitudes : « Il est essentiel de rester honnête et de préciser qu’actuellement il reste des zones de connaissance incomplètes mais qui seront précisées justement avec le temps, notamment par l’analyse des cohortes de personnes vaccinées. Dire que l’on ne sait pas encore tout sur la maladie et le vaccin est un gage d’honnêteté, même si cet argument est mis en exergue par les antivax.»

A la fin de la discussion, ce médecin traitant propose aux patients de se mettre sur une liste de volontaires à la vaccination. Il croit à la valeur de l'exemplarité: «Certains reprochent aux médecins de médiatiser leur vaccination ; mais qu’auraient-ils dit si ces mêmes praticiens ne s’étaient justement pas vaccinés ? Affirmer aux yeux de tous – par le biais des réseaux sociaux – que l’on se vaccine permet de faire venir à la vaccination certains habitants voire des soignants réticents par le biais d’une proximité personnalisée ».

 

Dr Isabelle Catala

Source : Le Quotidien du médecin