Les Académies veulent immuniser contre l'ère du soupçon

La vaccinologie, essentielle pour restaurer la confiance

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Publié le 27/03/2017
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Crédit photo : PHANIE

« Ce sujet est un serpent de mer. Tout le monde est convaincu de l'efficacité des vaccins et pourtant… », a déclaré le Pr Claude Jaffiol, président de l'Académie de médecine en introduction du colloque « confiance et défiance vis-à-vis des vaccins ».

Et pourtant, la défiance persiste : 40 % des Français doutent de la sécurité des vaccins. Si l'obligation vaccinale du DTP tombait, 15 % des médecins déclarent qu'ils n'insisteraient pas, et 20 % des 20-30 ans ne se vaccineraient pas.

Et pourtant, les paradoxes ont la vie dure : les attentes et demandes sont fortes autour des vaccins contre le VIH, Ebola ou Zika voire contre des maladies non transmissibles (Alzheimer, cancer) ; mais les attaques persistent contre les vaccins disponibles.

Causes et conséquences bien connues

Les causes de l'hésitation vaccinale particulièrement marquée en France sont connues. Sociologiquement, on peut citer l'oubli des maladies éradiquées, la baisse de la perception des risques, la juxtaposition des vaccins obligatoires et recommandés, le désir d'autonomie dans les décisions de santé, ou encore la perte de confiance dans les institutions. Du point de vue matériel, les pénuries récurrentes de vaccins, le va-et-vient imposé entre cabinet et officine pour se faire vacciner, les lacunes dans le carnet de santé, ou encore certains restes à charge, renforcent cette défiance. Les crises sanitaires, l'indemnisation de certaines scléroses en plaques en l'absence d'un lien de causalité démontré avec vaccin contre l'hépatite B, l'omniprésence des antivaccins sur les réseaux sociaux, et une faible culture de la prévention, renforcent le doute, a listé le Pr Alain Fischer, président du comité de pilotage de la concertation citoyenne sur la vaccination.

Bien renseignées sont aussi les conséquences : des flambées d'épidémie de rougeole, aujourd'hui dans le Grand Est ; entre 2008 et 2015, ont été recensés au moins 24 000 cas de rougeole, plus de 1 500 pneumonies graves, 31 encéphalites, et 30 décès évitables dont 7 chez des personnes immunodéprimées, rappelle Daniel Lévy Bruhl, de Santé publique France. Et de regretter également une surmortalité liée à la grippe, la multiplication des cas de coqueluche chez les nourrissons de moins de 3 mois, ou encore la faible couverture vaccinale contre le HPV (- de 10 % dans le quart Sud-Est).

Mais les moyens de rétablir la confiance restent une terre à défricher. Le sociologue Jocelyne Raude (École des hautes études en santé publique) est pessimiste : « Parfois la volonté de modifier des attitudes renforce les défiances », met-il en garde. Il souligne notamment la concurrence entre les vecteurs d'informations, les plus institutionnels prêtant le flanc aux salves des antivaccins. « Même les grandes campagnes d'information à l'école, efficaces dans les années 1980, ne le sont plus », dit-il.

À l'inverse, le Pr Fischer, propose toute une batterie de mesures, au premier rang desquelles la transparence des experts, davantage de pédagogie, la simplification du parcours vaccinal et la formation des professionnels de santé.

Innover dans les formulations et adjuvants

« L'enseignement de la vaccinologie doit être développé », a plaidé le Pr Pierre Bégué citant la création du premier DU en 1998. Le Pr Brigitte Autran (Université Pierre et Marie Curie, Pitié-Salpétrière) brosse le tableau de la discipline : « Nous avons besoin d'épidémiologie microbienne précoce, de vaccinologie inverse, de biologie structurale et cellulaire, de plateformes versatiles, de modèles animaux, et de génie génétique, chimique et biochimique ». Les défis sont vastes : cibler de nouvelles tranches d'âge (âgés, nouveaux nés, femmes enceintes), des pathologies nouvelles ou ré-émergentes (bronchiolite à VRS), vaincre l'antibiorésistance…

Pour éteindre les résistances, la recherche fondamentale doit se pencher sur les formulations et les adjuvants. « On ne peut pas abandonner les sels d'aluminium ; mais tous les vaccins ne sont pas adjuvables par les sels », explique-t-elle. La recherche doit explorer de nouvelles voies d'administration des vaccins (nasale, peau). L'immunologie doit permettre de prédire l'efficacité des vaccins chez les individus, et d'évaluer les effets secondaires.

Pour réussir, cette recherche doit s'organiser en réseau, autour de grandes cohortes, qui puissent inclure des enfants et trouver des échos à l'international, assure Brigitte Autran. Tel est le pari que souhaite relever le consortium de recherches vaccinales, créé en 2011, sur l'initiative du Pr Delfraissy et coordonné par le Pr Autran.

Coline Garré

Source : Le Quotidien du médecin: 9567