Économies, pénurie médicale, conditions de travail

Le malaise de l'hôpital s'invite dans la campagne

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Publié le 06/03/2017
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À sept semaines du premier tour de la présidentielle, l'hôpital pointe son nez dans la campagne, alors que de nombreux personnels médicaux et paramédicaux seront à nouveau en grève demain (encadré). 

Lors d'un colloque à Paris il y a quelques jours, le Dr Rachel Bocher, présidente de l'INPH, a insisté sur le « sentiment d'abandon » d'un secteur qui n'en finit plus d'exprimer son malaise, invitant les candidats à décliner enfin leurs « mesures prioritaires pour l'hôpital ».

Un poste sur quatre vacant

Quelque 1 000 établissements publics emploient 1,2 million de fonctionnaires et 77 000 praticiens. L'enjeu électoral n'est pas mince. Un poste sur quatre est vacant (41 % en radiologie, 39 % en cancérologie, 33 % en anesthésie…). Si François Fillon (LR), Benoît Hamon (PS), Emmanuel Macron (En marche !), Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) et Marine le Pen (FN) consacrent tous un volet de leur programme santé à l'hôpital, difficile pour eux de résoudre la problématique de la pénurie médicale et de la dégradation des conditions de travail, au cœur du désarroi actuel.

Au nom de François Fillon, le Pr Jean Leonetti, veut en priorité « casser la rémunération scandaleuse » des praticiens et refuser tout recrutement inférieur au 4e échelon. Cela correspond à une entrée de carrière à 4 000 euros net mensuels (à temps plein sans activité libérale), pratique déjà courante dans les hôpitaux. Autre résolution : miser sur les maisons de santé libérales pour désengorger les urgences. Sur les sujets les plus sensibles, François Fillon a assuré dans nos colonnes qu'« il n'y aura[it] pas de réduction des effectifs médicaux et soignants auprès des malades », et que le retour aux 39 heures serait négocié au plus près du terrain.    

Porte-voix de Benoît Hamon, le Dr Gérard Sebaoun défend le bilan hospitalier de Marisol Touraine, avec le rétablissement du service public hospitalier et la fin de la convergence tarifaire. « C'est dans le projet médical partagé des groupements hospitaliers de territoire qu'on va pouvoir définir l'hôpital de demain », assure le député du Val d'Oise, pour qui le travail en équipe constitue la première plus-value de l'hôpital. Pour Benoît Hamon, il est surtout urgent de repenser l'organisation du travail au sein des hôpitaux « pour lutter contre les journées interminables »

Grand soir  

Contrairement à ses confrères, le Pr Jérôme Salomon, soutien d'Emmanuel Macron, est favorable à un grand soir pour l'hôpital. Infectiologue à l'AP-HP, l'ex-conseiller de Marisol Touraine défend « une réforme globale de la fonction publique hospitalière », apportant de la souplesse. Au menu : décloisonnement ville/hôpital, réforme de la T2A (pour favoriser des financements liés à des objectifs précis et des missions de santé publique), essor des partenariats public-privé et autonomie accrue des hôpitaux…

Charlotte Girard, représentante de Jean-Luc Mélenchon, prône la révolution des pratiques. Cette spécialiste de droit public réclame « la fin d'une gestion malthusienne de l'hôpital et de la bureaucratie galopante » et le déploiement d'une « politique de santé publique et de prévention » à tous les étages du système de santé. « C'est le meilleur moyen de désamorcer la bombe de l'hôpital public », maintient Charlotte Girard.

À l’inverse, le Dr Joëlle Mélin, conseillère santé de Marine Le Pen, spécialiste en médecine physique et réadaptation, rejette l'idée d'une réforme radicale. Pour « reconnaître le rôle de l'hôpital et honorer son personnel », le FN appelle à « la remise en ordre des comptes sociaux », « la fin de la gabegie financière et de la fraude ». « Il nous faut évaluer le coût réel de l'hôpital, faire le point sur les effets pervers de la T2A et prévoir une meilleure rémunération pour les soignants », résume-t-elle. 

Anne Bayle-Iniguez

Source : Le Quotidien du médecin: 9561