Perte de sens, course à l'acte, manque d'autonomie

Le statut des praticiens hospitaliers en perte d'équilibre

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Publié le 03/04/2018
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Anesthésiste-réanimateur et vice-présidente du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (SNPHARe), le Dr Anne Wernet est catégorique : « Les praticiens hospitaliers sont désabusés et demandent de la reconnaissance ». 

Selon une enquête menée par le syndicat auprès de 4 650 d’entre eux, dont 85 % de titulaires, les trois quarts estiment que le service public ne répond pas à leurs attentes. En cause ? L’environnement de travail (87,7 %), les dysfonctionnements organisationnels (75,1 %) et des préoccupations qui ne sont plus centrées sur l’humain (72,5 %). « Nous avons été surpris par ces résultats, qui traduisent une déception générale dans tous les établissements et toutes les spécialités », analyse le Dr Wernet.

En toile de fond, cette désillusion questionne le statut de praticien hospitalier (PH). Près de la moitié des médecins sondés considère ainsi que le statut « enferme dans une grille qui n’est plus en rapport avec les responsabilités du métier » et « ne permet pas la reconnaissance des meilleurs et des plus investis ». Ils estiment par ailleurs que l’hôpital attend d’eux de « rentrer dans le cadre hiérarchique direction/pôles/services » (47,6 %) et une « multiplication des actes pour améliorer la rentabilité » (42,1 %). « Le sentiment général est celui d’une intensification du travail, en même temps qu’une perte de pouvoir et d’autonomie », commente le Dr Wernet. 

Un poste sur quatre vacant

Le métier souffre également d’un manque d'attractivité. Le SNPHARe a sorti sa calculette : en début de carrière, un PH gagne 2,8 fois le SMIC. Le même empochait quatre SMIC en 1984, en euros constants. En parallèle, la concrétisation du plan d'attractivité des carrières médicales lancé par Marisol Touraine en 2016 laisse à désirer sur les primes d’engagement, les valences universitaires et la revalorisation attendue en début de carrière. La nouvelle administration a été claire : les réformes du passé appartiennent au passé. Pourtant, il y a urgence : 26,5 % des postes de PH temps plein et 46,1 % des temps partiels sont vacants, selon le Centre national de gestion (2016). Le corollaire à ce manque d’attractivité, c’est le recours à l’intérim, avec les conséquences que l'on sait sur le travail en équipe et le fonctionnement des services.

Malgré ce sombre état des lieux, « les PH restent attachés au service public et à leur statut, protecteur pour le médecin et pour le citoyen », veut croire le Dr Wernet. Selon son syndicat, une modernisation du statut permettrait de répondre aux attentes des PH et de résoudre les problèmes d’attractivité. Au-delà d'une revalorisation salariale et d’une unification des contrats, il faut, selon l'anesthésiste, que « le médecin garde son pouvoir de décision », mais aussi, qu'il lui soit « permis de coupler le temps d’activité clinique avec un temps extra-clinique valorisé ».

 

 

 

 

 

Elsa Bellanger

Source : Le Quotidien du médecin: 9653