Comment lier l'hôpital, les cliniques et la ville dans les territoires ?

Les GHT ou la tentation de la « bunkérisation »

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Publié le 05/12/2016
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Passés à la vitesse supérieure cet été avec l'ouverture de la concertation sur les projets médicaux partagés, les groupements hospitaliers de territoire (GHT) ont fait l'objet d'un nouveau débat, organisé à l'université Paris-Descartes par le cabinet d'avocats Houdart et Associés.

Restructurante (850 hôpitaux concentrés dans 135 regroupements), cette réforme de la carte hospitalière inquiète autant qu'elle intéresse les secteurs public, privé et la médecine libérale, selon le rôle de chacun au sein du GHT et du territoire sanitaire définis par les tutelles régionales. Quid de l'articulation entre ces acteurs ? À ajouter toujours plus de couches au millefeuille territorial, n'augmente-t-on pas les risques de rupture dans les parcours de soins ? « Il ne faudrait pas que les établissements publics, mobilisés sur la création de leur GHT, se recroquevillent sur eux-mêmes », met en garde Claude Evin, ancien ministre de la Santé et nouvel associé du cabinet, résumant une crainte partagée, y compris par les porteurs de la réforme.

Hache de guerre

Favorable à la démarche de « recomposition » de l'offre de soins hospitalière publique, David Gruson, délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF), admet que « la disjonction des territoires hospitaliers et libéraux » est un « risque » bien réel de la loi de santé. Au-delà des GHT, l'enjeu de la territorialisation du système de santé est double : éviter la « bunkérisation » hospitalière mais aussi rompre une logique en silo historique, où chaque acteur nage dans sa ligne, côte à côte mais jamais ensemble.

Si le bouillant président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) Lamine Gharbi veut bien « enterrer la hache de guerre » avec la FHF, pas question pour autant de ne pas dénoncer les « pièges monstrueux » que tendent les GHT aux cliniques. Autorisation d'activité conditionnée à l'appartenance à un GHT (les cliniques sont uniquement « associées »), mainmise accrue des agences régionales de santé (qui valident les projets médicaux) sur la carte sanitaire… « En obstétrique, nous ne sommes plus là dans 45 départements. Que se passera-t-il si on "échelonne" la chirurgie comme on l'a fait des maternités ? » s'est-il inquiété. Fidèle à son credo, la FHP critique davantage les instigateurs de la réforme que la réforme elle-même. « Qu'on nous fiche la paix », a synthétisé Lamine Gharbi, « extrêmement vigilant » sur les « dérives » à venir des GHT.

David contre Goliath

Les praticiens libéraux, représentés par la CSMF, sont les plus sévères quand il s'agit de distribuer les mauvais points aux GHT. Pour le président Jean-Paul Ortiz, la réforme sanctuarise l'hôpital public dans une position d'offreur de soins de premier recours (notamment par les consultations avancées) alors qu'il faut faire « tout l'inverse ». « L'hôpital doit être la solution de troisième recours après les médecins généralistes et spécialistes de ville, dans le cadre d'une réponse structurée et non pas à toute heure du jour et de la nuit », a grondé le néphrologue. Le président de la CSMF a rappelé qu'en miroir des GHT, la loi de santé crée en ville des équipes de soins primaires et des communautés professionnelles territoriales de santé, mais ne prévoit « aucune articulation » entre ces organisations libérales et les groupements hospitaliers. « Face au poids des GHT dont certains sont à l'échelle d'un département, on craint fort d'être laissés au bord de la route », a-t-il conclu.

 

 

Anne Bayle-Iniguez

Source : Le Quotidien du médecin: 9540