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Dossier

Un neurologue reprend le flambeau d'une hématologue

L'infatigable Olivier Véran enfin à la Santé

Par Anne Bayle-Iniguez - Publié le 20/02/2020
L'infatigable Olivier Véran enfin à la Santé

Passation de pouvoirs lundi matin avenue de Ségur : Agnès Buzyn accueille, émue, son successeur

C'est la conséquence inattendue du séisme Griveaux et du départ d'Agnès Buzyn pour Paris. Dimanche, le député LREM Olivier Véran est devenu à 39 ans ministre de la Santé. Si le neurologue devrait s'inscrire dans les pas de sa consœur, son tempérament et son ambition pourraient le pousser à changer de rythme, voire de partition. Au risque de lui nuire.

« Le ministre de la Santé s'appelle Olivier Véran. » Aucun doute n'est permis puisque c'est lui-même qui l'affirme au micro de France Inter mardi 16 février, lors de sa première grande prise de parole. Propulsé à Ségur depuis moins de 48 heures dans la foulée de l'affaire Griveaux et du départ précipité d'Agnès Buzyn à la conquête de la capitale, l'ex-député LREM isérois de 39 ans a dû tout de suite prouver sa légitimité à ce poste stratégique autant qu'inflammable. « Je suis prêt, je suis prêt depuis des années », a-t-il juré.

Sur le papier, le neurologue a tout du remplaçant idéal. Comme Agnès Buzyn, il est gros bosseur, issu de l'hôpital, n'apprécie guère les médecins intérimaires (il leur a consacré un rapport remarqué en 2013) et fait figure de caution de gauche dans le gouvernement. « Macron boy » de la première heure, référent santé du candidat en 2017 – dont il est proche – il devrait en toute logique s'inscrire dans les pas de son prédécesseur et appliquer à la lettre la feuille de route chargée qui l'attend sur son bureau : réforme des retraites, crise de l'hôpital, dépendance, bioéthique. 

Dans les faits, le Dr Véran respectera-t-il les contours de son maroquin ? Connu pour son hyperactivité et sa passion des fusées médiatiques – cannabis thérapeutique, lutte contre la malbouffe et la maigreur excessive –, le neurologue, sans être un poids lourd politique, peut se targuer d'une solide expérience parlementaire (lire p. 3) sur laquelle s'appuyer pour remporter ses futurs arbitrages face à Bercy, voire revendiquer une certaine forme d'autonomie. En octobre, l'ancien socialiste s'était déjà fait remarquer en s'opposant à la non-compensation par l'État à la Sécurité sociale des mesures « gilets jaunes » (avant de rentrer dans le rang). « Olivier Véran n'a pas intérêt à sortir des clous, prévient le Dr Claude Pigement, ancien monsieur santé du PS. Ce type a du talent mais il lui faudra maintenir son caractère bouillant. Son pire ennemi, c'est lui. »

Le monde de la santé regarde l'arrivée du Dr Véran à la Santé sans animosité mais avec curiosité. On note autant sa connaissance des dossiers que son ambition débordante. Côté hôpital, on se réjouit d'avoir à concerter avec un confrère PH plus prompt, peut-être, à s'engager sur la réforme des statuts qu'Agnès Buzyn, PU-PH retraitée de l'AP-HP depuis des années. Pour la ville (lire ci-contre), la survenue de ce trublion hospitalier est vécue avec bien plus de circonspection. 

 

 

 

Anne Bayle-Iniguez