La ville appelle le nouveau ministre à « faire preuve d'audace »

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Publié le 20/02/2020
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« L'homme est sympathique et ouvert. Il maîtrise parfaitement les dossiers de la santé », salue le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. « Quand il était vice-président de l'Intersyndicale nationale des internes en 2007, nous avions combattu ensemble le conventionnement sélectif » proposé dans le premier budget de la Sécu de Nicolas Sarkozy et de Roselyne Bachelot, se remémore le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF. 

Le souvenir du SML du nouveau ministre remonte à 2017, quand le Dr Véran était un référent santé influent du candidat Macron. « Pendant la campagne de l'élection présidentielle, il fut le véritable artisan de la reprise de contact entre ce qui allait devenir la majorité et les médecins libéraux » après les délicates années Touraine, se réjouit le syndicat du Dr Philippe Vermesch.

C'est clair, les libéraux ont plutôt bien accueilli l'arrivée de l'ex-député LREM aux manettes de Ségur et tiennent à privilégier le dialogue avec lui. Mais, derrière les propos polis, les syndicats ne s'interrogent pas moins sur la capacité de ce médecin biberonné à l'hôpital public de prendre en compte les spécificités et les difficultés de la médecine libérale. Saura-t-il changer sa vision parfois jugée trop hospitalocentrée pour résoudre les problèmes de la ville ? Un monde sépare le nouveau ministre de la médecine de ville, preuve en est sa dernière prise de position à l'Assemblée nationale sur l'expérimentation d'un forfait de réorientation des urgences vers la médecine ambulatoire. « Olivier Véran propose de donner un forfait de 60 euros [maximum, NDLR] à l'hôpital pour réorienter certains patients des urgences vers la ville. On paie pour ne pas soigner alors que la prise en charge de ces patients en ville est rémunérée 25 euros. Il y a quelque chose de choquant », peste le patron de la CSMF. Pour sa part, le Dr Jacques Battistoni, leader de MG France, aimerait bien en dire un peu plus sur le Dr Véran mais constate qu'au-delà de l'homme politique médiatique, il « ne le connaît pas plus que ça ». « Je ne passe pas mes vacances avec lui », renchérit le Dr Ortiz.

Signes d'ouverture

Faute de pouvoir se forger une opinion définitive sur l'homme, les libéraux l'appellent du pied pour qu'il montre des signes d'ouverture à leur endroit. Cela passe en premier lieu par une prise de décision rapide sur les dossiers majeurs pour la médecine libérale, laissés sur son bureau par Agnès Buzyn : mise en place du service d’accès aux soins avec l'arbitrage sur le numéro d’appel 116-117, financement des soins non programmés, élargissement de la permanence des soins aux samedis matins… Leur confrère hospitalier devra aussi « faire preuve d’audace » pour lutter contre la désertification médicale en rendant attractive la médecine de ville. En somme : aller plus loin que son prédécesseur. « Nous étions un peu au milieu du gué avec Agnès Buzyn. Les assistants médicaux et les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) sont un début de réponse mais restent insuffisants », confirme le Dr Battistoni. Le président de MG France propose au ministre de mieux « soutenir les médecins traitants en revalorisant le forfait du médecin traitant et les visites à domicile ».

La FMF réclame quant à elle de nouvelles mesures financières incitatives comme une majoration de 1 200 euros (complémentaire au contrat d'engagement de service public) pour faire connaître l'exercice libéral aux étudiants. « Il faut tout faire pour que les jeunes s'installent en simplifiant le recrutement des maîtres de stage en rémunérant mieux les professionnels », ajoute le patron du SML, déplorant que les moyens soient aujourd'hui alloués aux structures et non aux actes. De son côté, la CSMF suggère la « valorisation des actes et tout particulièrement des actes pour les médecins spécialistes ». Ce chantier pourrait être ouvert rapidement par la réforme des nomenclatures, qui vient d’être lancée ou par l’ouverture des négociations conventionnelles pour mettre en œuvre la réforme de la dépendance. Annoncée comme un nouvel acte marquant du quinquennat Macron, cette réforme permettrait d'introduire de nouvelles rémunérations pour le maintien à domicile, espèrent les médecins.

Lors de la passation de pouvoirs, le Dr Véran a promis de recevoir très prochainement « les ordres et les syndicats des professionnels de ville pour les associer aux changements en cours, celui d’une médecine de parcours ». Dont acte.

 

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin