Éditorial

Macron compatibles

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Publié le 01/04/2022

Faut-il voir dans le médecin l’archétype de l’électeur Macron : intégré, intello, indépendant, entreprenant, en phase avec son époque, plutôt aisé et néanmoins sagement réformiste, ouvert aux évolutions de la société mais modéré, social mais pas socialiste ? Si l’on s’en tient à cette grille de lecture, il y aurait donc comme une fatalité à voir tomber le corps médical dans l’escarcelle du président candidat. Le sondage que nous publions à une semaine du premier tour incline d’abord à retenir cette explication simple, tant le soutien à Macron semble fort dans la profession. Nos lecteurs deviendraient de plus en plus ses électeurs, peut-être parce qu'ils épousent si bien les traits de l'homo macronus

Cette analyse fait néanmoins abstraction de ce qui s’est passé ces dernières décennies dans le système de soins, qui influe aussi sur le vote des médecins. Ceux-ci reconnaissant volontiers faire leur choix en fonction des politiques de santé d’hier et des promesses des candidats en matière sanitaire. C’est à cette aune qu’il faut sans doute expliquer la frilosité des praticiens vis-à-vis de la droite, autrefois majoritaire parmi les blouses blanches et la quasi-disparition de la gauche dans leurs intentions de vote. Comme si le souvenir des années Juppé et Bachelot empêchait de croire aux largesses de Pécresse. Et comme si les conflits des années Touraine interdisaient de prêter l’oreille aux propositions des candidats de gauche.

Mais ce détour historique ne suffit toujours pas pour comprendre l’adhésion massive constatée dans notre sondage. Un médecin sur deux s’apprêtant à voter Macron dès le 10 avril, c’est énorme ! Plus qu’un soutien, c’est presque un plébiscite. Qu’on le veuille ou non, cela vaut en creux quitus sur la politique de santé menée ces dernières années. À commencer par la gestion du plus grave séisme que le système de soins ait jamais essuyé. Les acteurs de santé se sont souvent montrés critiques sur les moyens alloués pendant la crise et les compensations accordées alors pour baisse ou surcroît d'activité. Mais la plupart semblent penser que le pouvoir a malgré tout fait le job dans un contexte difficile : un sur cinq reconnaissant au passage que ce qui s'est passé lors de la pandémie est pour quelque chose dans leur bulletin de vote. Au-delà du Covid, on peut voir aussi dans nos estimations le signe que, globalement, la politique de l’avenue de Ségur passe la rampe auprès des soignants. Certes, les délégations de tâches et le SAS (service d'accès aux soins) inquiètent en ville et l’avenant 9 a goût de trop peu pour les libéraux. À l’hôpital, le Ségur de la santé ne rallie pas non plus tous les suffrages, loin s'en faut. Mais dans les deux cas, les professionnels semblent penser qu’on a vu pire. La bonne cote du ministre Véran le traduit suffisamment. Et cet attachement au pouvoir en place est peut-être fait pour durer. Car les jeunes médecins semblent, encore plus que leurs aînés, enclins à voter Macron…

Exergue : La crise et les politiques de santé de ces dernières années influeront certainement sur le vote des médecins

Jean Paillard

Source : Le Quotidien du médecin