Généraliste de ville versus PU-PH de néphrologie

À Marseille, deux médecins à l'assaut du Vieux-Port

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Publié le 09/03/2020
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Dans la cité phocéenne, huit candidats sont en lice dont deux médecins aux profils très différents. À la tête d’une liste d’union de la gauche, le Dr Michèle Rubirola se pose en défenseur du service public hospitalier face au privé. Son concurrent de La République en Marche, le Pr Yvon Berland, entend redonner au CHU son lustre d’antan. Reportage.

Michèle Rubirola, Yvon Berland : deux praticiens outsiders

Michèle Rubirola, Yvon Berland : deux praticiens outsiders
Crédit photo : Martin Dumas-Primbault

À part l’accent chantant, le Dr Michèle Rubirola et le Pr Yvon Berland n'ont pas grand-chose en commun. « Il n’y a que sur l’Olympique de Marseille qu’on est d’accord », résume avec humour la première, cheffe de file du Printemps Marseillais, une liste d’union de la gauche allant des communistes aux socialistes en passant par les insoumis.

À quelques jours du premier tour, la généraliste – médecin de famille pendant quinze ans avant d’exercer dans un service de PMI puis au Centre d’examen de l’assurance-maladie (CESAM) des Bouches-du-Rhône où elle consulte encore – a tenu à exprimer son « soutien inconditionnel à l’hôpital public ». Mercredi 4 mars, Michèle Rubirola était à la rencontre des personnels de l’hôpital Sainte Marguerite, inquiets du projet de modernisation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille. Validé par le ministère, celui-ci prévoit la vente d’une partie du foncier afin de renflouer les caisses de l’AP-HM. Après la fermeture des urgences en 2010, les blouses blanches craignent l’arrêt des activités de psychiatrie et de gérontologie. « Il s'agit d'un abandon pur et simple », dénonce la candidate issue de l'écologie pour laquelle « le véritable problème à Marseille aujourd’hui, c’est qu’il y a 65 % de lits d’hospitalisation dans le privé contre seulement 35 % dans le public ».

Cette Marseillaise pur jus exige le maintien d’un « véritable hôpital public pour les quartiers sud » et peste contre la construction « d'une clinique monstrueuse à quelques km à peine ». Si elle est élue maire, la généraliste de 63 ans se veut ferme : « On ne vendra plus de terrains municipaux pour un projet d’hôpital privé ».

Opposition de style

« Cette ligne Maginot que l'on crée entre le privé et le public n’a pas lieu d’être », évacue le Pr Yvon Berland, candidat soutenu par LREM. Le PU-PH, qui connaît bien l’hôpital Sainte Marguerite pour y avoir dirigé entre 1988 et 2000 le service de néphrologie, ne s’oppose pas au projet de revente. À condition de faire de ces locaux un incubateur de start-up spécialisées dans le domaine biomédical.

Car celui qui fut doyen de la fac de médecine de Marseille entre 1998 et 2004 veut faire de la recherche une priorité. Le candidat ne s'inquiète pas outre mesure de la privatisation d'une partie de l'offre hospitalière, pourvu que les CHU maintiennent leur rang. « Ma conviction, c’est que n’importe quelle clinique ne pourra jamais égaler un CHU mais si le CHU se met au rang d’une clinique, il n’y aura plus d’innovation en santé en France », explique-t-il.

Or, « les CHU perdent aujourd’hui leur vocation universitaire, analyse le néphrologue de 69 ans, il faut leur redonner un nouveau souffle ». L’AP-HM doit être « à la fois l’hôpital de tous les Marseillais mais aussi un lieu d’excellence en matière de recherche et d’enseignement », préconise-t-il. Le siège de président du conseil de surveillance qui lui reviendra s’il est élu maire sera-t-il suffisant pour réussir cette mission ? Affirmatif. « Le maire de la deuxième ville de France a un poids politique énorme », veut croire le Pr Berland, connu du secteur pour avoir produit de nombreux rapports sur la démographie des professions de santé, les coopérations et les délégations de tâches.

En ville, le candidat promet 20 maisons de santé pour mettre fin aux déserts médicaux, notamment dans les quartiers nord. Son adversaire mise plutôt sur les centres de santé qu'elle veut développer dans toute la cité.  

Médecin du peuple

Les deux candidats se démarquent aussi sur le style. Quand le Pr Berland joue de son image d'ancien président de l'université Aix-Marseille, « la première de France et du monde francophone », son adversaire met en avant sa proximité avec les soignants à grands coups d'embrassades et poignées de main. « On entend parfois dire que je suis le médecin du peuple... et lui celui des patrons, j'aime ce résumé », avance Michèle Rubirola.

Un praticien peut-il remporter Marseille ? Crédités respectivement de 16 % et 8 % d’intentions de votes selon un sondage de mi-janvier, la généraliste et le néphrologue sont distancés par Martine Vassal (23 %), candidate LR adoubée par le maire sortant Jean-Claude Gaudin − qui quitte le Vieux Port après quatre mandats consécutifs − et le sénateur Stéphane Ravier (22 %), tête de liste pour le Rassemblement National. 

De notre envoyé spécial Martin Dumas Primbault

Source : Le Quotidien du médecin