Masques FFP2 : des soignants du CHU de Lille et le gouvernement règlent leurs comptes au Conseil d'État

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Publié le 05/06/2020
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Crédit photo : S.Toubon

« Mais vous ne savez même pas combien de masques vous distribuez par jour ? » Ce mercredi 3 juin, sous les dorures du Conseil d'État, l'impatience du Syndicat des médecins, ingénieurs, cadres et techniciens (SMICT-CGT) du CHRU de Lille lors de la séance publique l'opposant au ministère de la Santé devant le juge des référés illustrait bien le désarroi de nombre de médecins sur le manque d'équipements de protection face au Covid-19.

Le syndicat lillois a déposé une requête en référé devant le Conseil d'État, dans laquelle il demande au ministre de la Santé et au premier ministre de « modifier la doctrine d’emploi des masques FFP2 en milieu hospitalier », en indiquant qu'ils doivent être portés par « tout personnel soignant » amené à réaliser des manœuvres au niveau des voies respiratoires d’un patient, identifié ou suspecté d'être atteint par le virus, ou intervenant dans la chambre ou tout lieu où se trouve un tel patient.

« Nous parlons de manœuvres au sens large, dès que le soignant est amené à être dans la sphère respiratoire et dans le champ des aérosols et des gouttelettes, par exemple un brancardier qui soulève le patient par les aisselles et va être proche de son visage, explique l'avocat du syndicat, Me Paul Mathonnet. Nous devons apporter une réponse aux soignants ! » Le SMICT-CGT se base sur plusieurs travaux et études récents, qui démontrent que des particules fines d'aérosols peuvent véhiculer du virus (même si une incertitude demeure sur leur contamination).

8 500 masques par jour

Or, sur ce point, le ministère de la Santé s'en tient strictement à sa doctrine publiée le 6 mai dernier et selon laquelle les masques FFP2 sont réservés aux professionnels de santé réalisant des gestes médicaux invasifs ou manœuvres au niveau de la sphère respiratoire d’un patient atteint ou suspect. Par extension, il peut être utilisé par d’autres soignants, notamment les professions médicales et les infirmiers, pour leurs activités de soins.

« Lorsque les stocks le permettent, il faut utiliser les masques FFP2 dans les cas décrits. Pour nous il s'agit d'apprécier la situation dans une phase épidémique avec des moyens en masques qui sont limités. Dans une épidémie massive, on ne peut pas donner des FFP2 à tout le monde, il faut fixer des priorités, c'est notre responsabilité », reconnaît un des représentants du ministère.

C'est justement sur les moyens en masques que le syndicat a formé la seconde partie de sa requête. Il demande une dotation suffisante en FFP2 et un renouvellement régulier du stock. Selon les données de l'établissement, le CHU de Lille reçoit actuellement 8 500 FFP2 par jour, qui permettent d'équiper 4 250 agents par jour (sur les 16 000 agents hospitaliers et personnels médicaux), en considérant qu'un masque doit être changé toutes les quatre heures. « Les soignants n'en ont pas assez et lorsqu'ils s'en plaignent, on leur dit qu'il y a un problème d'approvisionnement. Nous voulons donc savoir quels sont les chiffres de distribution pour l'agence régionale de santé concernée et pour le CHU de Lille », souligne Me Mathonnet.

Contexte « tendu »

Le ministère a tenté d'apaiser les esprits, en indiquant qu'il dotait chaque personnel hospitalier de quatre masques FFP2 par semaine. « C'est un mode de calcul que nous avons, cela veut dire qu'une secrétaire médicale est par exemple comptabilisée dans la dotation, alors qu'elle n'aura jamais besoin de porter le masque », expliquent les représentants du ministère. Charge ensuite à l'hôpital de répartir les masques dans les services concernés et les plus prioritaires.

« Sur la semaine du 11 mai, 5,5 millions de masques FFP2 ont été distribués, alors qu'il en aurait fallu 6,8 millions. La semaine suivante nous étions à 6,9 millions, donc au-dessus. Il y a des incertitudes sur les approvisionnements, cela reste tendu et les besoins sont constants, avec la reprise d'activité en ville et à l'hôpital », détaille le ministère, sans pouvoir donner le détail par région ou par établissement, au grand dam du SMICT-CGT, qui demandait également un remboursement des frais de justice à hauteur de 3 000 euros.

La décision du Conseil d'Etat est attendue dans les prochains jours.


Source : lequotidiendumedecin.fr