Plan Philippe sur la santé : les syndicats entre bienveillance et mécontentement

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Publié le 14/02/2018
Edouard Philippe

Edouard Philippe
Crédit photo : S. Toubon

La profession se montre divisée après l'annonce mardi par le Premier ministre Édouard Philippe d'un plan de « transformation du système de santé » décliné en cinq chantiers (qualité et pertinence des soins, financement, numérique, formations et ressources humaines, organisation territoriale, voire notre article détaillé). Si les représentants des jeunes médecins et des hospitaliers ont pris acte d'annonces jugées « ambitieuses », dans le cadre d'une vision à long terme, les libéraux sont beaucoup plus réservés et craignent même une remise en cause de certains fondamentaux de leur exercice, dont le paiement à l'acte.

Volontarisme, et maintenant ?

À l'hôpital, la bienveillance domine en attendant d'y voir plus clair. Convergences hôpital public (qui réunit le SNAM-PH et la CMH) relève « un grand nombre d’intentions extrêmement louables ». Les deux syndicats veulent croire que « les moyens nécessaires au regain d’attractivité de notre profession et donc de la qualité des soins » seront au rendez-vous.

Action Praticiens Hôpital (APH, qui réunit Avenir Hospitalier et la Confédération des praticiens des hôpitaux) salue une « politique volontariste », au regard du nombre de chantiers engagésmais rappelle que ce n'est pas « en pratiquant une politique d’austérité vis-à-vis des acteurs de santé ni en précarisant leur situation professionnelle, en particulier à l’hôpital public, que l’on peut améliorer la situation sanitaire de nos concitoyens ». 

L'INPH affiche davantage de prudence. « Aucun plan d’action ne sera effectif et pérenne sans revalorisation des carrières médicales à l’hôpital public », prévient la centrale du Dr Rachel Bocher.  

Satisfaite, la Fédération hospitalière de France (FHF) applaudit un discours « prometteur » qui aborde les vrais sujets de blocage. « Le diagnostic est bon (...) encore faut-il qu'au mois de mai le gouvernement soit au rendez-vous », a réagi Frédéric Valletoux, patron de la FHF, sur Public Sénat.

Les jeunes attentifs à la santé mentale 

Les étudiants en médecine (ANEMF) apprécient l'ouverture de chantiers sur le numerus clausus et la qualité de vie au travail (un observatoire est promis), « sujet majeur pour les étudiants en santé ». La réaction est similaire chez les internes de médecine générale (ISNAR-IMG). « Nous sommes assez satisfaits de la création de cet observatoire, que nous demandons depuis notre enquête sur la santé mentale des étudiants », explique Maxence Pithon, président de l'ISNAR-IMG.

Le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG) salue « la remise en cause de la T2A et le développement de la diversification de rémunération en ville », mais s'interroge sur le « flou » de ces annonces. « La remise en question de l’organisation de notre système de santé doit-elle conduire à une gestion commune de l’hospitalier et de l’ambulatoire avec une prééminence du premier sur le second ? », questionne le SNJMG, qui constate que le discours s'est déroulé… à l'hôpital.

Les cliniques et les libéraux en alerte rouge

Le secteur libéral a surtout perçu les dangers. Au nom des cliniques, la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) retient que les tarifs hospitaliers seront à nouveau « en baisse » cette année, autre annonce du Premier ministre. « Je trouve extrêmement choquant qu'on nous annonce dès aujourd'hui des tarifs en baisse, alors que nous sommes encore en pleine concertation », fulmine Lamine Gharbi, président de la FHP.

Les syndicats de praticiens libéraux redoutent un marché de dupes. Très remonté, le SML craint à la fois « la mise en pièces du mode de rémunération » (à l'acte) vers un système « collectiviste », « le retour de la maîtrise comptable » en ville et le « parcage » des médecins en structures regroupées. « L'exercice isolé doit devenir l'exception », a prévenu Edouard Philippe en présentant son plan. La CSMF prévient qu'elle ne s'engagera que « si les caractéristiques de l'exercice libéral, notamment la prépondérance du paiement à l’acte sont conservées »

L'UFML Syndicat dénonce pour sa part un plan de trop faible envergure. « On attendait de l'audace, nous trouvons de l'anecdote, déplore le Dr Jérôme Marty, président du syndicat. Alors que tous les signaux sont au rouge, le Premier ministre annonce une enveloppe annuelle de 100 millions d’euros hors ONDAM, sur les 200 milliards que la santé consomme dans notre pays. »

La FMF remarque « beaucoup d'effets d'annonce ». « On ne prend pas la mesure de l'urgence de la désertification médicale, et ce n'est pas avec 100 millions de plus qu’on va sentir le souffle de la réforme », accuse le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF.


Source : lequotidiendumedecin.fr