De mémoire d'électeur, on n'a jamais autant parlé de santé au cours d'une campagne présidentielle. Panier de soins, rôle des mutuelles, prévention, déserts médicaux, tiers payant, santé publique : le débat n'a pas été escamoté, contrairement aux exercices précédents, même si de nombreux sujets restent traités en surface.
François Fillon, à son insu
La précampagne a vu François Fillon se prendre les pieds dans le tapis de la Sécu, donnant le ton. Sa proposition de concentrer l'assurance-maladie obligatoire sur les affections graves et de longue durée a soulevé un tollé (et lui aura coûté environ cinq points dans les sondages), ses adversaires l'accusant de vouloir brader la Sécu. Pour l'économiste Gérard de Pouvourville, titulaire de la Chaire ESSEC Santé, les mesures tranchées du candidat LR expliquent cette irruption de la santé dans la campagne mais aussi tous les débats qui ont suivi sur le panier de soins. La distinction controversée entre « petit » et « gros » risque a conduit ensuite aux propositions sur le « zéro reste à charge » pour les lunettes et les prothèses dentaires (une proposition énoncée par Fillon et Macron), la juste place des mutuelles, la nécessité de réguler leurs frais de gestion, etc.
Même effet collatéral quand le champion de la droite a assuré vouloir supprimer les 35 heures et 500 000 postes de fonctionnaires. Quelles répercussions sur l'hôpital ? « Ça a relancé le débat sur les postes de médecins et d'infirmiers à l'hôpital », analyse l'économiste.
LEEM, Mutualité, syndicats… : des contributions efficaces
Autre explication : des poids lourds institutionnels de la santé ont versé leur contribution avec un souci inédit de pédagogie et d'interactivité – et le renfort des réseaux sociaux. Au nom de l'industrie pharmaceutique, le LEEM a mis en ligne un comparateur santé qui a généré plusieurs centaines de milliers de pages visitées. Pas en reste, la Mutualité Française a dévoilé les résultats d’une enquête sur les attentes des Français en matière de santé, à l’occasion d’un événement parisien réunissant plusieurs candidats à la présidentielle au Palais Brongniart. L'ambitieux site mutualiste PlacedelaSante.fr, lancé en partenariat avec 3 think tanks (Fondapol, la fondation Jean-Jaurès et Terra Nova), fut une autre façon de faire exister la santé dans la campagne. Autoproclamé « rassemblement historique des acteurs de la santé », le « collectif santé 2017 » (syndicats médicaux et pharmaceutiques, fédérations d'établissements, associations, etc.) a reçu les équipes santé des principaux candidats et publié la synthèse de leurs déclarations. De nombreuses organisations du secteur ont interpellé les prétendants à l'Élysée.
Ignorance ?
Cette ébullition est-elle le signe d'une meilleure maîtrise du dossier santé par les candidats ? Rien n'est moins sûr, les thématiques sensibles ou techniques étant souvent survolées. « En fait, il n'y a toujours pas de débat très approfondi sur l'organisation des soins ou sur les objectifs de la politique de santé », regrette Gérard de Pouvourville. Autrement dit, la santé fait partie du décor – c'est mieux – mais beaucoup reste à faire pour éclairer les choix des électeurs.
Auteur de « Santé, le trésor menacé » (Éditions l'Atalante), Antoine Vial* reste sur sa faim. Si cet expert reconnaît que la santé a occupé une place particulière dans la campagne 2017, il dénonce l'amateurisme des prétendants à l'Élysée qui « ne connaissent pas la réalité des problèmes ». Et de citer la marotte des maisons de santé pluridisciplinaires, que tous les candidats ou presque voulaient multiplier sans en appréhender les enjeux. Quant aux bataillons de médecins fonctionnaires que Jean-Luc Mélenchon souhaitait envoyer sur le front des déserts médicaux, « tout ça n'est que poudre aux yeux ».
Ancien patron du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), Christian Saout a une analyse plus optimiste. Si la santé surgissait jusque-là lors de crises sanitaires ou de la présentation des comptes sociaux, il estime que le ressort est désormais plus profond. « Nous vivons un bouleversement dû à la montée en puissance des maladies chroniques, alors que notre organisation reste tournée sur l'aigu », souligne-t-il. Ce choc contribue à l'émergence de problématiques nouvelles. Le paiement à l'acte ou la T2A sont-ils encore justifiés ? Comment changer de braquet sur la prévention ? Faut-il rendre le patient plus autonome ? Christian Saout juge ce phénomène « rassurant , ça veut dire que nos politiques ont compris l'enjeu ».
*Ancien membre de la commission « Qualité et diffusion de l'information médicale » de la Haute autorité de santé (HAS)
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