AU TERME de débats longs et souvent très techniques, où le spectacle était assuré dans un hémicycle clairsemé principalement par l’opposition - et, la plupart du temps, par des députés médecins -, l’Assemblée nationale a arrêté la semaine dernière « sa » version de la réforme hospitalière prévue par le titre I du projet de loi Bachelot.
Outre les 13 articles du projet de loi qui s’attachent à « moderniser les établissements de santé », les députés se sont prononcés sur quelque 700 amendements ; ils en ont adopté 175 environ, dont un recensement exhaustif serait évidemment fastidieux. Car nombre de ces textes s’avèrent de pure forme ; beaucoup relèvent de précisions administratives pointues ; l’un réintroduit dans la loi les dispositions, déjà inscrites dans la dernière loi de financement de la Sécurité sociale mais retoquées par le Conseil constitutionnel, instituant le redressement et la mise sous administration provisoire des hôpitaux en grave déficit… Beaucoup d’amendements, enfin, s’attachent à réviser les règles d’attribution à tel ou tel (élus, médecins, personnels, usagers…) des sièges dans les instances futures de la gouvernance hospitalière, à l’échelle des établissements comme à celle des communautés hospitalières de territoire (auxquelles les établissements médico-sociaux pourront adhérer) ou des groupements de coopération sanitaire.
Dans cette forêt de textes, « le Quotidien » a fait son choix.
• Du neuf pour l’exercice médical à l’hôpital public...
La nomination des médecins hospitaliers est un sujet sensible pour les syndicats. Les députés ont voté une disposition qui oblige le directeur d’hôpital, lorsqu’il demande la nomination d’untel au Centre national de gestion (CNG), à joindre la proposition initiale du chef de pôle en plus de la sienne et de celle du président de la CME. Le directeur conserve le droit de proposer au CNG la mise en recherche d’affectation d’un médecin en cas d’insuffisance professionnelle. Un autre amendement crée la dénomination de « clinicien hospitalier » pour les médecins recrutés sur la base des nouveaux contrats instaurés par la loi. Des hôpitaux usent et abusent de l’intérim médical : les députés ont confié aux ARS le pouvoir d’encadrer cet intérim, après avoir constaté que les ARH sont « peu armées pour intervenir sur de telles dérives ». Dans chaque hôpital, les usagers se voient confier un siège au sein de la commission chargée d’encadrer l’activité libérale des praticiens.
• ... et en clinique privée
Plusieurs amendements adoptés concernent la rémunération des médecins libéraux. Ceux qui exercent dans le cadre d’un groupement de coopération sanitaire doivent proposer des tarifs opposables, et c’est aux futures agences régionales de santé (ARS) d’y veiller. L’ARS se voit aussi confier la possibilité de contraindre les cliniques à garantir « une proportion minimale d’actes facturés sans dépassement d’honoraires », là où n’existe pas d’offre de soins à tarifs opposables. Impossible, alors, de se soustraire à cette obligation : « Le refus par le praticien de réviser son contrat en constitue un motif de rupture sans faute », précise l’amendement voté. C’était une demande de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), qui espère ainsi capter une patientèle plus modeste. La FHP a été entendue sur deux autres points. Les cliniques, qui, dans de rares disciplines, recourent au salariat médical, pourront facturer les honoraires correspondants - d’où le remboursement pour elles d’un manque à gagner. Les cliniques qui se verront confier des missions de service public n’ont pas à craindre les retombées financières d’une fronde médicale : les praticiens qui refuseront de remplir ces missions ne pourront pas leur réclamer d’indemnisation. A contrario, l’Assemblée nationale a renforcé le pouvoir médical au sein des cliniques privées, en imposant la consultation de la Conférence médicale de l’établissement par le patron de la clinique avant certaines décisions, « notamment celles qui engagent l’établissement vis-à-vis des pouvoirs publics », précise l’exposé des motifs.
• Le secteur hospitalier privé non lucratif rebaptisé
La loi HPST supprime la particularité des hôpitaux privés non lucratifs. Les députés ont réparé un oubli signalé par la FEHAP (Fédération des établissements privés non lucratifs), en reconnaissant la spécificité de ce secteur. Dès la loi votée, les hôpitaux privés non lucratifs pourront devenir des « établissements de santé d’intérêt collectif », sur simple demande à leur ARS. Leur appartenance à cette nouvelle catégorie d’établissements sera réexaminée lors de la signature de leur prochain contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens.
• Plus de transparence sur la qualité des soins
Les députés ont décidé de rendre obligatoire la publication, chaque année, d’indicateurs de qualité et de sécurité des soins. L’obligation concerne autant les hôpitaux publics que les cliniques privées. Une sanction financière est prévue pour les récalcitrants : en cas de refus, le directeur de l’ARS peut moduler certaines dotations.
• L’AP-HP devient un hôpital comme les autres
À l’initiative du Nouveau Centre, l’Assistance publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP) perd son régime de tutelle d’exception. Jusqu’ici encore en partie sous la triple coupe des ministres chargés du Budget, de la Santé et de la Sécurité sociale, l’établissement passera totalement sous celle de la future ARS d’Ile-de-France. L’AP-HP concluera notamment avec elle et avec elle seule ses contrat d'objectifs et de moyens… comme tous les hôpitaux.
• L’HAD labellisée
L’hospitalisation à domicile gagne ses galons légaux. Un amendement prévient « l’utilisation abusive » de l’appellation HAD en mettant à l’amende (3 750 euros, 7 500 euros en cas de récidive) les structures contrevenantes. Un autre encourage le conventionnement entre hôpitaux et établissements d’HAD. La place de la fédération nationale de l’HAD sera également renforcée puisque la FNEHAD sera représentée au sein des conférence nationale et régionales de santé.
Enfin, qu’elles soient publiques ou privées, les structures d’hospitalisation à domicile qui font intervenir des médecins libéraux pourront déroger au paiement à l’acte en utilisant d’autres modes de rémunération, afin de développer plus facilement leur activité.
• Lifting pour la gouvernance des hôpitaux publics
- Le projet de loi rénove le pilotage des hôpitaux. Il remplace l’actuel conseil d’administration par un « conseil de surveillance » où siègent élus, personnels et personnalités qualifiées et dont le président ne peut pas être issu du collège des professionnels. Ce conseil nouvelle formule arrête les orientations stratégiques de l’hôpital, remplit des missions de contrôle et délibère sur le compte financier. Après lecture des députés (très directement concernés puisque ce sont souvent eux, les « élus » qui siègent et éventuellement président les conseils de surveillance), le rôle de cette instance en matière de stratégie est plus fortement affirmé (elle doit par exemple se prononcer sur le programme d’investissement). Il est en particulier prévu que son avis soit requis en cas d’adhésion à une communauté hospitalière de territoire (CHT). La représentation des usagers au sein des conseils est par ailleurs garantie. Dans le nouveau rapport de force qui s’instaure entre conseil de surveillance et directeurs, les députés ont décidé que le président du conseil donnerait son avis sur l’évaluation du directeur.
Gages médicaux dans le directoire.
- Ce directeur new-look, « vrai patron de l’hôpital » en vertu du souhait de Nicolas Sarkozy, et pilote d’un nouveau « directoire » avec l’aide du président de CME, a lui aussi suscité de nombreux amendements. Les médecins qui s’inquiètent du renforcement du pouvoir et de l’autonomie des directeurs ont obtenu par exemple que le personnel médical soit majoritaire au sein du directoire (le directeur des soins y fait par ailleurs son apparition, ainsi que, dans les CHU, le doyen). Le rôle de coordonnateur de la politique médicale de l’établissement du président de CME, sous l’autorité du directeur, est également inscrit dans la loi. Enfin, des garde-fous déontologiques sont posés puisque le directeur doit respecter « les règles déontologiques ou professionnelles qui s’imposent aux professions de santé ».
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