Dr Jérémie Sinzelle, vice-président de l'Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé

« Si l'Etat nous fait confiance, ce sera beaucoup moins difficile »

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Publié le 07/04/2020
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Ce psychiatre parisien et syndicaliste estime que le soutien de la population et de la société sera essentiel pour que les acteurs de santé gardent un bon équilibre psychique.

LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN Craignez-vous que les soignants confrontés à la vague du CONVIE soient impactés psychologiquement ?

Dr JEREMIE SINZELLE : Bien entendu, les conditions de travail sont difficiles, et avec des moyens limités, ce qui n’est pas rassurant pour des personnels hautement qualifiés. Le travail des soignants est actuellement d’une importance stratégique et maintient le pays à flot. Dans le feu de l’action, l’idée d’avoir été utile à quelqu’un qui souffre permet de relativiser sa propre souffrance individuelle. Mais on ne peut faire abstraction de la vie en dehors du travail : les problématiques personnelles resurgiront dans l’après-coup. Cela sera beaucoup moins difficile pour les soignants si l’État répond présent, assume le combat contre la maladie, et fait réellement confiance à ces professionnels. Si les soignants ressentent le réel soutien et la considération du pays, il y aura beaucoup moins de troubles psychiques.

Comment vous informez-vous personnellement sur le coronavirus ?

D’un côté, il y a les annonces officielles : en principe tous les médecins en activité les reçoivent sur leur e-mail professionnel. Mais il est important de suivre les médias généraux pour recevoir des informations actualisées, notamment pour les mesures de confinement et leurs exceptions, puisque les médecins peuvent encore recevoir des patients en cabinet, pas uniquement les urgences comme on l’a dit initialement. On demande aux praticiens de prendre des précautions d’asepsie renforcées, et nous nous sommes équipés en urgence pour cela.

Pendant cette crise du coronavirus, recevez-vous encore des patients ?

Oui. Pour la plupart ce sont des personnes isolées et très fragiles, pour lesquelles la consultation présentielle est essentielle, et ne peut être remplacée par la technologie. Bien entendu, ils sont préoccupés par l’actualité, mais en général ils évoquent des sujets bien plus personnels en consultation. Ils sont fragilisés, et leur détresse est renforcée par le confinement.

Est-ce que le fait de suivre les médias ne serait pas également une source d’angoisse ?

Il doit être très difficile pour ceux qui ne sont pas du métier de se forger une opinion, vu la surabondance de nouvelles. Mais c’est un peu normal, puisque chacun doit s’adapter à une part d’improvisation. C’est à l’État de mobiliser le maximum de ressources, parfois par des mesures fortes. Je m’intéresse à l’histoire, et à la bibliothèque de médecine d’Odéon, il y a un tableau de L'ambulance de la Comédie-Française pendant le siège de Paris (1870-1871), par Brouillet (1891) : les théâtres étaient réquisitionnés pour servir d’hôpital. Il est encore possible de réquisitionner des médecins formés en réanimation.

Propos recueillis par le Dr I.C.

Source : Le Quotidien du médecin