Suppression des ARS, C à 35 euros... les syndicats prennent position sur le rapport Vigier

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Publié le 23/07/2018
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Crédit photo : S. Toubon

Alors même qu'on en connaît pour l'heure que les grandes lignes, le rapport du député Philippe Vigier fait déjà vivement réagir les syndicats. Rendu public jeudi 19 juillet lors de sa remise au président de l'Assemblée Nationale, le document de 180 pages liste 25 propositions pour améliorer l'accès aux soins dans les territoires.

Parmi celles-ci, trois − C à 35 euros dans les zones sous denses, conventionnement sélectif dans les zones sur denses et suppressions des Agences régionales de santé (ARS) − sont l'œuvre directe du député de l'Eure, connu pour être l'avocat de la manière forte pour l'installation. Qu'en pensent les principaux syndicats de médecins libéraux ? Le « Quotidien » leur a posé la question.

C à 35 euros dans les zones sous-denses

Dans le but de favoriser l'attractivité de la pratique en milieu rural, le député Vigier propose de revaloriser de 10 euros les consultations médicales dans les zones sous-denses (portant le C à 35 euros). Une mesure grâce à laquelle il espère pérenniser la présence médicale sur un territoire.

MG France : revaloriser mais autrement
Sur le principe oui, sur les modalités pas forcément. « Il est évident qu'il faut valoriser la consultation de médecine générale, mais pas forcément en haussant son prix », juge le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. Il craint la création de disparités entre les médecins situés en zone sous dense et les autres.

CSMF : non à un C différencié
Pour le premier syndicat de libéraux de France, la revalorisation à 35 euros devrait être valable sur tout le territoire. C'est le seul moyen pour « attirer les jeunes générations vers l'exercice libéral ».

UFML : un C à 70 euros
« L'augmentation à 35 euros du tarif de la consultation dans les zones sous denses est la moitié de ce que l'UFML demande », regrette le jeune syndicat. L'UFML préconise un C à 70 euros dans ces zones (avec un remboursement à 100 % pour les patients) et à 50 euros sur le reste du territoire. « Seul un choc d'attractivité permettra la relance de la médecine libérale. »

FMF : une proposition « démagogique »
Une revalorisation insuffisante pour la FMF. Son président, le Dr Jean-Paul Hamon estime que ce prix devrait être la valeur de la consultation sur tout le territoire. Mécontent « d'un rapport de plus qui va terminer à la poubelle », il ne mâche pas ses mots et qualifie cette proposition de « démagogique ».

SML : toujours en dessous de la moyenne européenne
Pas une mauvaise idée pour le Dr Philippe Vermesch, président du SML. Mais pas suffisant non plus : « une consultation normale est à 50 euros selon la moyenne européenne », rappelle-t-il. C'est cependant un bon pas, puisqu'à l'inverse des aides à l'installation, ce type de mesure concerne tous les médecins.

Conventionnement sélectif

Sans donner de plus amples précisions mais fidèle à lui-même, Philippe Vigier envisage la régulation par la coercition pour réduire les inégalités territoriales en matière d'accès aux soins. Il propose ainsi le conventionnement sélectif dans les zones les mieux dotées.

MG France : un repoussoir pour les jeunes médecins
Le syndicat de médecins généralistes est clair, cette proposition n'a pas de sens dans la mesure où « il n'existe aucun territoire qui soit excédentaire en généralistes, à part quelques centres-villes ici où là ». Cela pourrait même se révéler dangereux en éloignant les étudiants de l'exercice libéral. Le syndicat alerte contre différents risques : « fuite vers le salariat, vers le statut de remplaçant, ou vers d'autres professions ».

CSMF : une proposition incohérente
Même son de cloche pour le syndicat du Dr Jean-Paul Ortiz. « Il (le député Vigier) n'a toujours pas compris qu'on ne peut réguler que l'installation des professionnels de santé dont les effectifs sont en excès, ce qui n'est pas le cas des médecins. »

UFML : pas question de payer les erreurs politiques
Sans surprise, l'UFML est farouchement opposée au conventionnement sélectif. « Ce choix aggraverait l'effondrement de l'exercice de la médecine générale et de certaines spécialités », tonne le Dr Jérôme Marty. Il n'est pas question que les jeunes médecins payent pour « une faute commise par les décideurs politiques ».

FMF : aucun sens dans l'état actuel de la démographie
Pas question non plus pour la FMF d'accepter des mesures coercitives. « Toute la France est en train de se désertifier », alerte le Dr Hamon. « Visiblement, le rapporteur du texte n'a pas bien étudié l'état de la démographie libérale dans le pays. »

SML : plus cher et moins efficace
Une décision qui risque de faire fuir les jeunes médecins vers l'exercice salarié jugé « plus cher et moins efficace », par le Dr Vermesch. « À temps égal, les libéraux soignent 25 % à 30 % de personnes en plus que les salariés », estime-t-il. Le conventionnement sélectif entraînera donc, selon lui, un besoin supplémentaire en médecins et par conséquent en argent pour soigner la population.

Suppression des ARS

« Aujourd'hui les ARS sont plus dans le contrôle que dans l'organisation des soins », a déclaré le député de l'Eure lors de la présentation du rapport. Sans détour, il propose la suppression pure et simple des ARS pour les placer sous la tutelle des préfectures.

MG France : CPTS plutôt qu'ARS
Une idée irréaliste pour le Dr Battistoni. « Il est vrai que certaines ARS peinent à se positionner par rapport aux professionnels de santé mais dans certaines régions tout se passe très bien. » Pour lui, la solution se trouve dans une gouvernance qui associerait mieux les professionnels de santé, « notamment à travers les CPTS [Communautés professionnelles territoriales de santé, N.D.L.R.] qui donnent plus de temps pour s'organiser ».

CSMF : repositionner plutôt que supprimer
Le syndicat du Dr Jean-Paul Ortiz partage le constat du député Vigier, mais pas la solution. « Plutôt que de supprimer purement les ARS, il faut réfléchir au rôle qu'on leur donne », suggère le président de la CSMF. Il propose de mettre autour de la table tous les acteurs de santé de territoire pour réfléchir au repositionnement des ARS sur un « rôle d'accompagnement et de management de l'organisation des soins et afin d'éviter les dérives administratives ».

UFML : le premier pas vers une « vraie démocratie libérale »
Jugées « trop coûteuses, au pouvoir surdimensionné et échappant à toute surveillance indépendante », le jeune syndicat est favorable à la suppression des ARS. Il fixe néanmoins une condition indispensable pour « établir une vraie démocratie sanitaire » : la gouvernance doit être partagée à égalité entre les représentants des patients, des soignants et de l'administration.

FMF : à quoi bon ?
Une mesure qui n'aura aucun effet. « À chaque fois que l'on supprime quelque chose en France, on le remplace par autre chose, cela ne va pas faire baisser le nombre de fonctionnaires », prédit le Dr Hamon.

SML : mettre fin à la dérive des ARS
Pourquoi pas, répond le Dr Vermesch qui partage le constat des dérives du pouvoir des ARS. « Elles doivent être le trait d'union entre la politique gouvernementale et les acteurs de santé, elles ne doivent pas devenir un espace décisionnaire. »

Numerus apertus

Partir des capacités de formation des CHU pour fixer le nombre minimum d'étudiants à former dans chaque subdivision. C'est ce qu'imagine le rapport Vigier derrière l'expression numerus apertus. Une telle mesure pourrait, selon le rapport, augmenter de 20 % à 30 % le nombre de médecins formés par an.

MG France : pas une priorité
Trop tard, juge le Dr Battistoni. « Notre préoccupation, ce sont les dix prochaines années ». Or, ouvrir le numerus clausus ne permettrait d'augmenter le nombre de médecins en exercice que dans dix ans. Cette solution intervient trop tard pour MG France.

CSMF : une proposition sans fondement
Une « entourloupe », ose le Dr Ortiz. Selon lui, vouloir résoudre le problème de la démographie médicale avec des mesures qui n'auront un effet que dans dix à douze ans est illogique. Néanmoins, il conçoit la nécessité de réfléchir au nombre de médecins à former. Seulement, cette question doit être pensée en connaissance de cause et pour l'instant on ignore « trop de paramètres sur le nombre de cumuls emploi retraites et de médecins à diplôme étranger, la féminisation du corps médical ou encore les souhaits des nouvelles générations ».

UFML : l'attractivité avant la formation
Une proposition hors sujet juge l'UFML. « Les médecins formés sont en nombre suffisant. » Pour le Dr Marty, c'est l'attractivité qui doit être favorisée en priorité.

FMF : former mieux, pas former plus
Ce n'est pas la bonne solution pour le Dr Hamon qui se dit néanmoins favorable à une réforme des études médicales. Il préconise avant le concours de médecine, une formation infirmière sur trois ans. « Au moins, pendant cette période, les étudiants seraient confrontés aux réalités du métier médical. » Ce n'est qu'à l'issue de cette formation que serait ouvert le concours de médecine. « On limiterait ainsi le nombre de médecins diplômés qui n'exercent jamais », estime le patron de la FMF. Sur la formation toujours, la seule mesure proposée par le rapport qui séduit le Dr Hamon est celle de multiplier les lieux de stages dans l'exercice libéral.

SML : déjà trop de médecins
Le vrai problème est celui du temps médical juge le SML. « Il n'y a jamais eu autant de médecins en France », rappelle son président. Le problème n'est pas tant celui du nombre de médecins formés mais plutôt de l'attrait pour la pratique libérale. Ainsi, le Dr Vermesch s'oppose à une augmentation du numerus clausus mais se félicite de la proposition du rapport Vigier de multiplier les stages en ambulatoire. « Tous les internes en formation devraient passer par 50 % de stages en ambulatoire. »


Source : lequotidiendumedecin.fr