Éditorial

Trouble-fête

Par
Publié le 23/06/2020

Pour les uns, elle est cette vieille dame liberticide qui pourchasse tout à trac les dépassements d’honoraires de ceux qui y ont droit, les avantages conventionnels des autres, qui respectent les tarifs opposables ; et qui se délecterait aussi de voir remise en cause la liberté d’installation dans les zones excédentaires… Cet empêcheur de tourner en rond s'appelle la Cour des comptes, un grand corps de l'État qui enchaîne rapport sur rapport pour dénoncer ce qui coûte cher, ce qui ne marche pas, quitte à pourfendre de supposés avantages acquis avec un sens aigu de la provocation. Les professionnels la redoutent. Les journalistes en font leur miel.

Pour les autres, c’est la vigie attentive des équilibres budgétaires sans laquelle tout irait à vau-l'eau. La santé, avec ces 200 milliards d'euros d’ONDAM dépensés chaque année, fait donc naturellement partie des cibles privilégiées des magistrats financiers. Et tant pis si leurs recommandations génèrent chaque année davantage d'anticorps chez les représentants du secteur. Persévérance ? Obstination ? Entêtement ? L’institution de la rue Cambon semble se prendre à son propre jeu (de rôles) et, à l’instar de certaines « notes de Bercy », balance à intervalles réguliers ses pavés dans la mare.

Ça passe ou ça casse. Car les gouvernants s’ingénient parfois à enterrer, à peine sortis, ses rapports. Mais la force de la Cour – qui a changé de patron tout récemment — est ailleurs. Peut-être dans cette légitimité qu'elle tire de plusieurs siècles d'existence. Sans doute de l’opinion publique qu’elle façonne patiemment. Elle vient surtout de sa proximité avec la haute administration dont ses membres sont issus, non sans une certaine consanguinité avec le pouvoir. Alors, si la Cour finit par faire bouger les choses, c’est non seulement par médias interposés, mais aussi par capillarité. Nul doute que, passé la période des largesses post-Covid, elle aura de nouveau bientôt du pain sur la planche.

Jean Paillard

Source : Le Quotidien du médecin