À un mois des régionales

Une campagne ahurissante

Publié le 05/11/2015
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Hollande chez Lucette Brochet

Hollande chez Lucette Brochet
Crédit photo : AFP

Nicolas Sarkozy n’a pas rendu son tablier en dépit de la désaffection apparente de l’électorat à son égard. Un sondage récent, qui le place devant Alain Juppé, son principal concurrent à la primaire de la droite, lui a donné des ailes. Mardi, il accordait un entretien au « Parisien » dans lequel il dénonçait son dernier différend avec la justice. En effet, une procédure judiciaire a été lancée contre deux pilotes qui se sont évadés de République dominicaine après avoir été condamnés pour trafic de drogue. Les deux hommes appartiennent à une compagnie aérienne qui a transporté M. Sarkozy à plusieurs reprises et une juge de Marseille a cru bon de géolocaliser son portable et exigé de lui qu’il lui remette ses factures détaillées.

On s’est souvent demandé si les multiples démêlés de M. Sarkozy avec la justice étaient dûs à de réels et multiples manquements au droit, ou si la magistrature, avec laquelle il a un vieux contentieux, cherche, non sans acharnement, tous les moyens de le mettre en difficulté. On a remarqué aussi que M. Sarkozy sort indemne des nombreuses procédures lancées contre lui, ce qui ne donne pas une bonne idée du fonctionnement de la justice dès lors qu’elle semble déclencher plus de scandales qu’elle n’obtient de résultats. En tout cas, Me Éric Dupond-Moretti, qui n’est pas l’avocat de M. Sarkozy, est indigné par les méthodes des juges et le fait savoir, ce qui apporte de l’eau au moulin de l’ancien président. Quoi que l’on pense des précédentes poursuites qui n’ont abouti à rien, on ne peut pas s’empêcher de s’interroger sur des enquêteurs qui ont assez d’imagination pour retenir l’hypothèse extraordinairement fragile d’un ancien président de la République impliqué, même de loin, dans un trafic de stupéfiants.

Sarkozy politise l’affaire.

M. Sarkozy affirme que la ministre de la Justice, Christiane Taubira, était au courant des menées de la juge de Marseille et que, dès lors qu’elle était informée, elle l’a fait savoir à François Hollande. Il n’est pas sain, mais il est logique que l’ancien président politise l’affaire. Les juges doivent tenir compte de l’environnement politique et n’avancer que très prudemment quand ils veulent en avoir le cœur net sur une affaire grave mais dont les répercussions sont immenses.

M. Hollande, qui est persuadé que l’élection de 2017 se jouera de nouveau entre M. Sarkozy et lui, ce que les Français, dans leur majorité, ne souhaitent pas vraiment, feint de ne rien savoir de ce qui se trame contre son rival. Personne ne pourra jamais prouver qu’il existe un complot de la gauche, justice comprise, contre M. Sarkozy, pour autant qu’il y ait un complot. Mais la campagne, celle des régionales ou des consultations ultérieures, sent le souffre. Le chef de l’État, qui cultive son image de président débonnaire et simple, croit avoir inventé une technique de communication qui remonte pourtant à Valéry Giscard d’Estaing, lequel s’invitait chez l’habitant et recevait des éboueurs à l’Élysée pour le petit déjeuner. M. Hollande s’est donc rendu chez Lucette Brochet, 69 ans, infirmière retraitée, qui vit dans un deux-pièces à Vandœuvre-lès-Nancy, en Meurthe-et-Moselle pour un café bon enfant. La scène a fait, bien sûr, le tour de France, mais personne ne peut dire que cette rencontre historique a tourné à l’avantage du président. En revanche, faites confiance aux médias, ils ne perdront pas de temps à découvrir la vérité sur la manière dont la visite chez Lucette a été organisée. Tout était prévu, le café offert par la mairie, les chaises supplémentaires prêtées par la même mairie, et le nom de Mme Brochet figurait sur la liste du maire socialiste, Stéphane Hablot, aux dernières élections municipales. Bref, la cellule de communication de l’Élysée a bien fait les choses, peut-être même un peu trop bien. Nous avions tous constaté que M. Hollande est partout. Son ubiquité est admirable, mais il y a des moments où sa présence permanente dans les médias finit par lasser.

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du Médecin: 9447