Cardiologie

Dépistage de la fibrillation atriale : les capteurs numériques confirment leur supériorité

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Publié le 28/05/2021
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Une étude germano-canadienne démontre la supériorité des capteurs numériques par rapport aux outils classiques dans le dépistage de la fibrillation atriale du sujet âgé. Toutefois, des interrogations subsistent concernant leurs critères de détection et leur accessibilité au plus grand nombre.

Crédit photo : BURGER/PHANIE

Dans la course à l’innovation médicale, les progrès concernant les troubles du rythme cardiaque font figure de modèle. Grâce à l’apport de nouvelles technologies numériques et miniaturisées, la prise en charge de ces pathologies, en particulier de la fibrillation atriale (FA), devient de plus en plus performante. En effet, l’arrivée sur le marché de capteurs numériques, comme des montres connectées ou encore des patchs adhésifs ECG, offre la possibilité de détecter une FA avec plus d’efficacité que les outils de screening classiques (palpation du pouls, Holter-ECG, tensiomètres à algorithme).

Cette supériorité est mise en évidence par une récente étude multicentrique randomisée parue dans le « JAMA Cardiology » qui compare deux groupes comptant chacun plus de 400 participants de plus de 75 ans, hypertendus et naïfs de toute FA. Ceux du premier (groupe témoin) ont bénéficié d’une consultation médicale avec un contrôle du pouls et une auscultation cardiaque, au départ et à six mois. Ceux du second (groupe dépistage), en plus des deux consultations médicales, ont porté en ambulatoire, au départ et à trois mois, un patch adhésif ECG miniature de type Holter à une seule dérivation, collé sur la poitrine et fournissant jusqu'à deux semaines d'enregistrement en continu.

Les participants ont également bénéficié, deux fois par jour, de mesures de la pression artérielle par l’intermédiaire d’un tensiomètre avec un algorithme de dépistage de FA pendant les mêmes périodes que le port du patch adhésif ECG. Le critère principal de l’étude était la survenue d’un épisode de FA diagnostiqué cliniquement par un ECG 12 dérivations classique ou détecté à domicile par le patch ECG avec une durée supérieure à cinq minutes.

Au bout du compte, seulement 0,5 % de FA ont été détectées dans le groupe témoin contre un peu plus de 5 % dans le groupe dépistage, dont 9 sur 10 par le patch ECG. Parmi ce second groupe, les trois quarts des FA dépistées ont bénéficié d’un traitement anticoagulant et 75% étaient asymptomatiques. Par ailleurs, le moniteur de pression artérielle avec algorithme a montré une sensibilité faible, à 35 %, et une très importante détection de faux positifs (plus de 90 %).

Un dépistage systématique dès 65 ans

« Ces résultats vont dans le sens des nouvelles recommandations de la Société européenne de cardiologie (ESC) sorties en septembre dernier, commente le Pr Jean-Luc Pasquié, coordonnateur du département de cardiologie au CHU Arnaud de Villeneuve à Montpellier. Ils confirment la supériorité des capteurs numériques pour déceler un épisode de FA par rapport à la prise de pouls, l’Holter-ECG et les tensiomètres avec algorithmes. »

En effet, l’ESC préconise un dépistage systématique de la FA chez tout patient de plus de 65 ans asymptomatique et sans facteur de risque particulier. Le diagnostic étant posé après détection d’un tracé pathologique par un ECG 12 dérivations classique, par un Holter-ECG de 24 heures ou par un ECG à une dérivation mesurant une FA de plus de 30 secondes. C’est d’ailleurs ce dernier que l’on retrouve au cœur des outils numériques de dernière génération comme les montres connectées ou encore les patchs adhésifs ECG homologués, de plus en plus favorisés par les cardiologues. « Ces nouveaux dispositifs portables ont l’avantage d’être performants, non invasifs, bien tolérés et facilement auto-applicables à domicile par le patient, précise le professeur. De plus, le temps d’enregistrement étant plus long que celui d’un Holter-ECG de 24 heures, la probabilité de dépister une FA est ainsi nettement plus importante. »

Définir le temps d'enregistrement

Ces capteurs, à la fois outils de screening et tests diagnostiques, représentent sans aucun doute l’avenir de la FA en matière de dépistage. Sachant qu’à partir de 55 ans, le risque de développer une FA est de 1 sur 3 et que 15 % des accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques sont attribués à une FA non diagnostiquée auparavant, la diffusion de ces outils permettrait ainsi de prévenir plus efficacement la survenue d’AVC. Seul bémol, ces dispositifs, coûtant minimum une centaine d’euros l’unité, ne sont pas remboursés par la Sécurité sociale. Un élément pouvant constituer un frein d’accès pour beaucoup de patients.

Par ailleurs, il persiste encore des interrogations concernant le temps d’enregistrement nécessaire pour dépister une FA et également la durée à partir de laquelle on considère un tracé comme pathologique. « L’ESC le définit à plus de 30 secondes alors que dans cette étude il est fixé à plus de cinq minutes, souligne le cardiologue. De plus, à ce jour, on ne sait pas s'il faut introduire des anticoagulants à tous les patients asymptomatiques à risque (score CHA2DS2-VASc ≥ 2) chez qui on détecte une FA avec ces nouveaux capteurs. » Des questions qui seront probablement bientôt résolues puisque deux vastes essais en cours, Noah-AF et Artesia, étudient ces problématiques via les informations délivrées par les stimulateurs cardiaques implantables des patients inclus.

D. Gladstone et al, JAMA Cardiol, février 2021. doi:10.1001/jamacardio.2021.0038

Dr Martin Ducret

Source : Le Quotidien du médecin