« C’est une étude très intéressante ; elle confirme que les inhibiteurs de la BACE1 devraient être évalués contre la maladie d’Alzheimer chez les patients », explique au « Quotidien » le Dr Riqiang Yan, neuroscientifique à la Cleveland Clinic (Ohio, États-Unis).
« L’inhibition de la BACE1 devrait débuter précocement chez les humains et l’élimination des plaques amyloïdes sera possible si les inhibiteurs de la BACE1 sont puissants et sûrs. La clé est d’avoir des inhibiteurs de la BACE1 qui ont des effets secondaires minimes et peuvent être tolérés au long cours », souligne le Dr Yan, qui dirigera bientôt le département de neuroscience à l’université médicale du Connecticut.
Une accumulation anormale du peptide amyloïde-bêta (A-bêta), qui se dépose en plaques amyloïdes dans le cerveau et perturbe la fonction des synapses, représente un évènement précoce dans la maladie d'Alzheimer. Une approche thérapeutique vise donc à freiner la production d’A-bêta. Puisque la β-sécrétase, appelée aussi BACE1 (pour « β site APP cleaving enzyme 1 »), initie le clivage de l’APP (amyloid precursor protein) à l’origine de l’A-bêta et des plaques, des inhibiteurs de la BACE1 ont été développés et sont déjà évalués dans des essais cliniques.
Une disparition spectaculaire
Toutefois, l’inhibition de la BACE1 n’est pas sans inquiétude. Cette enzyme, découverte en 1999, semble contrôler des processus importants en clivant d’autres protéines et des médicaments inhibiteurs pourraient avoir des effets indésirables. Les souris privées de la BACE1 montrent en fait de graves anomalies du neurodéveloppement. De plus, des essais cliniques menés chez des patients souffrant de la maladie d’Alzheimer ont été abandonnés devant l’absence d’effets. Les espoirs se portent maintenant sur les essais cliniques en cours qui évaluent une mise en route précoce du traitement, avant l’apparition des symptômes.
Afin de mieux comprendre les bénéfices et risques potentiels, Hu et coll. ont développé un modèle génétique de souris qui perd progressivement l’enzyme BACE1 à partir de l’âge adulte, ceci sans anomalie apparente. Les chercheurs ont ensuite croisé ces souris avec des souris développant des plaques amyloïdes ainsi que d’autres signes de la maladie d’Alzheimer dès l’âge de 2 mois et demi. Les souris issues de ce croisement développent des plaques à l’âge de 2 mois et demi, alors que leurs taux de BACE1 sont déjà réduits de 50 %. Mais le résultat ultérieur est étonnant : les plaques commencent à disparaître au fur et à mesure que les souris vieillissent et continuent de perdre encore plus profondément l’enzyme BACE1 ; à l’âge de 10 mois, leurs plaques ont complètement disparu. « C’est à notre connaissance la première observation d’une disparition aussi spectaculaire du dépôt d’amyloïde dans un modèle murin de la maladie d’Alzheimer », assure le Dr Yan.
Microglie, neurite, cognition
La baisse de la BACE1 améliore également d’autres signes de la maladie d’Alzheimer : l’activation de la microglie et les anomalies des neurites, et surtout l’apprentissage et la mémoire. Néanmoins, les chercheurs ont constaté que la réduction de la BACE1 ne restaure que partiellement la fonction synaptique, ce qui laisse penser que la BACE1 pourrait être requise pour l’activité synaptique et une fonction cognitive optimale.
« Notre étude apporte la preuve génétique que les dépôts amyloïdes deja constitués peuvent complètement disparaître après une baisse graduelle et soutenue de la BACE1 chez l'adulte. Les futures études devront développer des stratégies pour minimiser les déficits synaptiques liés à l’inhibition importante de la BACE1 afin de maximiser les bénéfices pour les patients », estime le Dr Yan.
Journal of Experimental Medicine, The Rockefeller University Press ; février 2018, Hu et coll.
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