Le fil d’Ariane des Journées Françaises de radiologie

Dynamiser la recherche

Publié le 21/10/2010
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Le Quotidien : En quoi la recherche en imagerie se distingue-t-elle de celle des autres disciplines ?

Pr Charles-André Cuénod : Les progrès de cette discipline sont essentiellement alimentés par des avancées technologiques, concrétisés par le développement de nouvelles techniques et de nouveaux appareils, résultant initialement des travaux des physiciens. C’est par exemple à eux que l’on doit la découverte des rayons X et de leurs applications médicales potentielles ou, plus récemment, de la possibilité d’utiliser la résonance magnétique nucléaire pour faire des images. Les radiologues ont été des utilisateurs immédiats, mais d’appareils déjà bien aboutis. Ils se sont approprié ces techniques avec une grande facilité parce qu’elles répondaient à des besoins. Néanmoins, c’est souvent à leur instigation et grâce à leurs travaux que des améliorations sont apportées aux nouveaux outils.

Ces conditions particulières constituent-elles un frein pour le passage du fondamental à l’appliqué ?

Les développements ont été tellement rapides, évidents et apparemment simples, qu’ils ont en effet donné lieu à un décalage entre les radiologues cliniciens et la recherche en imagerie. Compte tenu de la forte pression clinique, ceux-ci se sont généralement concentrés sur « la belle image » (la plus informative possible), mais n’ont pas forcément participé à ces progrès. Certains considéraient même les quelques imageurs faisant de la recherche comme décalés de la réalité médicale. Or, l’expérience a démontré que ce qui pouvait être du domaine du rêve est souvent devenu d’utilisation routinière cinq à dix ans après. L’imagerie de la diffusion en IRM en est une illustration frappante. La mise en évidence de son efficacité pour la détection précoce des accidents vasculaires cérébraux a permis de sensibiliser les radiologues cliniciens à ce concept dont l’intérêt s’est ensuite confirmé dans d’autres domaines. Aujourd’hui, pratiquement tous les protocoles d’IRM en cancérologie comportent une séquence de diffusion.

Quelles sont les actualités et les perspectives dans la recherche en imagerie ?

Ce domaine va être largement évoqué lors des Journées françaises de radiologie (JFR)* au cours de séances consacrées, entre autres, aux thérapies innovantes (nouvelles techniques d’analyse structurale et en imagerie interventionnelle), à l’imagerie moléculaire (marquage cellulaire, visualisation des récepteurs membranaires, expression génique…), à l’imagerie de diffusion et de perfusion tissulaire, et à la recherche translationnelle.

La diffusion continue à alimenter une recherche d’amont et est de plus en plus utilisée en quantification. On peut raisonnablement penser que l’IRM de diffusion sera utilisée au quotidien comme outil diagnostique, mais aussi comme biomarqueur de suivi thérapeutique des cancers dans les cinq ans à venir dans les centres anticancéreux ; puis naturellement cela sera appliqué en routine.

Par ailleurs, l’élastographie est un des grands développements actuels de l’imagerie. Elle étudie un nouveau paramètre, qui la rend potentiellement intéressante, à savoir la « dureté des tissus ». Nous avons la chance en France d’avoir une remarquable école d’échographie. Les travaux développés grâce à l’équipe de Mathias Fink, dans le laboratoire « Ondes et Acoustique » de l’École Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles de la Ville de Paris (ESPCI ParisTech), ont amené à la création d’un appareil d’échographie (Aixplorer), capable de quantifier l’élasticité des tissus et à la création d’une start-up (Supersonic Imagine) qui mérite d’être soulignée car la radiologie française manque d’industrie d’imagerie depuis de nombreuses années.

Sur quels thèmes travaillent actuellement les équipes cliniques françaises ?

Plusieurs grands projets de recherche translationnelle en imagerie sont en cours en France. Par exemple, à l’HEGP, nous avons lancé le STIC (soutien aux techniques innovantes et coûteuses) REMISCAN. Il s’agit d’une étude multicentrique financée par l’Institut national du cancer (INCa) et dont l’objectif est d’évaluer les effets des traitements antiangiogéniques dans le cancer du rein par trois techniques : de perfusion en scanner et en IRM et de diffusion. Deux cents patients vont être recrutés. Comme c’est souvent le cas en France, nous avons pris un retard important dans le recrutement. Cependant, la création récente des unités de recherche cliniques (URC) au sein des CHU a constitué une avancée majeure pour la recherche dans notre discipline. Ces services dédiés vont permettre de structurer la recherche translationnelle en imagerie fonctionnelle comme cela existe depuis longtemps en cancérologie.

Dans notre équipe, un autre protocole, financé par un PHRC (programme hospitalier de recherche clinique) : PLACENTIMAGE, coordonné par Laurent Salomon (hôpital Necker-Enfants-Malades, Paris), qui évalue la faisabilité de l’évaluation de la perfusion placentaire in vivo par IRM fonctionnelle chez des femmes nécessitant une interruption thérapeutique de grossesse.

Il y a beaucoup d’autres protocoles de recherche. À Nancy, par exemple le Pr Michel Claudon a coordonné l’étude STIC-Uro-IRM sur la place de l’IRM fonctionnelle versus la scintigraphie dans les uropathies de l’enfant. On peut également citer deux autres grandes études STIC d’échographie fonctionnelle : l’une réalisée à l’Institut Gustave Roussy sur le thème « L’échographie de contraste avec quantification de la perfusion tumorale pour l’évaluation précoce des traitements anti-angiogéniques. Évaluation médicale et économique » (Dr Nathalie Lassau, Villejuif) et la seconde à Tours sur l’« évaluation médico-économique de l’échographie de contraste pour l’appréciation précoce de l’effet du bevacizumab sur les métastases hépatiques de cancer colorectal » (Pr François Tranquart). Le protocole PIXEL dirigé par le professeur Valérie Vilgrain vise à analyser le rôle potentiel de l’analyse de la perfusion en scanner pour la détection des métastases hépatiques occultes. La longue liste des protocoles compte aussi deux études multicentriques sur la coloscopie virtuelle. Précisons que ces protocoles où l’imagerie est le sujet de l’étude doivent être différenciés de ceux où l’imagerie participe à la recherche mais n’est pas le sujet propre de l’étude. Il faut également souligner que les radiologues libéraux peuvent jouer un rôle actif dans la recherche clinique. C’est notamment le cas à Lille et à Montpellier, comme le soulignent les Prs Jean-Pierre Pruvo et Patrice Taourel, où ils sont fortement impliqués via le recrutement de patients correspondant aux critères des protocoles de recherche.

Quid de la recherche sur les produits de contraste ?

De nombreux produits sont dans le pipe line, essentiellement des agents de contraste ciblés ayant une affinité tissulaire spécifique (athérome, apoptose, fibrose, nécrose, plaques d’Alzheimer…). Mais c’est une recherche difficile qui se heurte à un problème de rentabilité lié au coût élevé de la mise sur le marché, ce pour des objectifs de « niche ». Un certain nombre d’agents devraient toutefois finir par émerger et apparaître comme des évidences, après évaluation chez l’animal.

Que font les instances de la radiologie française pour dynamiser la recherche en imagerie ?

Le hiatus entre le fondamental et l’appliqué préoccupe la Société française de radiologie (SFR). Ce d’autant que, dans les universités, la recherche en imagerie est rarement mise en avant. Peu de plates-formes d’imagerie sont dirigées par un radiologue, et la création de telles structures est une entreprise difficile. Ainsi, la plateforme d’imagerie du petit animal de l’HEGP dirigée par le Pr Olivier Clément qui s’est ouverte en 2009 représente l’aboutissement d’un projet initié en 1993 avec la création du laboratoire de recherche en imagerie (LRI) par le Pr Guy Frija. Cette création a nécessité le soutien de la faculté de médecine et de l’université Paris Descartes et de l’INSERM. Il est indispensable que les équipes de recherche en imagerie soient intégrées dans les projets de centres d’excellence lancés dans le cadre du grand emprunt.

La profession se mobilise activement. Un accord est intervenu entre la SFR et le CERF (Collège des enseignants de radiologie en France) pour promouvoir la recherche en imagerie avec un programme ambitieux : cette année, plus de dix bourses de recherche vont être attribuées, grâce à l’aide du sponsonariat industriel, contre quatre les années précédentes pour financer des masters, des doctorats de sciences ou des mobilités à l’étranger. Un « prix de communication recherche » a été créé l’an dernier pour récompenser les jeunes présentant aux JFR leurs travaux de recherche. Et cette année, l’exposition centrale du congrès est intitulée « La route de la recherche ». Elle mettra en avant le rôle de la recherche en imagerie et ses implications dans le futur de tous les radiologues.

En ce qui concerne l’enseignement, le module technologique du DES de radiologie et imagerie médicale organisé par le CERF est devenu national et inclut désormais un module de sensibilisation à la recherche et à l’innovation, créé à la demande des jeunes, qui sont curieux de découvrir le monde de la recherche et de participer au futur de l’imagerie.

* JFR du 22 au 26 octobre 2010, palais des congrès-porte Maillot, Paris.

 Propos recueillis par le Dr CATHERINE FABER

Source : Bilan spécialistes