À travers le monde, 76 greffes d’utérus ont déjà été réalisées et ont conduit à 19 naissances depuis 2014. En France, la première greffe a été réalisée avec succès à l’hôpital Foch (Suresnes) en mars. Au-delà de la prouesse chirurgicale et de l’espoir que la greffe utérine représente pour les femmes sans utérus fonctionnel, la transplantation utérine est une technique récente en pleine évolution : elle doit s’appuyer sur des compétences pluridisciplinaires pour maîtriser l’ensemble des risques, notamment le risque infectieux.
La transplantation utérine consiste à prélever un utérus chez une donneuse (vivante ou décédée en état de mort cérébrale) pour le greffer à une receveuse née sans utérus (syndrome de Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser [MRKH]) ou bien ayant subi une ablation de l’utérus (après un cancer ou une hémorragie après un accouchement par exemple). Les patientes MRKH représentent 85 % des indications.
Sélection des donneurs
Quel que soit l’organe, la sélection des donneurs répond à des critères stricts définis par l’Agence de biomédecine pour maximiser les chances de réussite. Le bilan du donneur et du receveur prend notamment en compte les systèmes ABO et rhésus, le typage HLA et des sérologies virales (VIH, VHB, CMV…). La greffe utérine ne fait pas exception, notamment en ce qui concerne le risque infectieux : « le risque infectieux doit être considéré de façon précise », estime le Pr Matthieu Revest, infectiologue au CHU de Rennes.Ce risque est à la fois associé à l’acte chirurgical et au traitement immunosuppresseur introduit pour prévenir le rejet de greffe chez la receveuse.
En raison du faible nombre de patientes greffées, aucun problème infectieux sévère n’a été observé à ce jour. « C’est une chance. Mais cela pourrait arriver avec l’augmentation du nombre de patientes », considère l’infectiologue.
Attention au mismatch sérologique
Le risque infectieux associé à l’immunosuppression induite par les médicaments doit être pris en compte en amont de la greffe. « Il ne doit pas y avoir de mismatch, c’est-à-dire de différence de statut immunologique, entre donneuse et receveuse pour le CMV et la toxoplasmose », détaille le Pr Revest. Car si la donneuse est porteuse d’un de ces pathogènes, la receveuse risque de développer une infection en raison de la réduction de ces défenses immunitaires liée au traitement anti-rejet.
De plus, une infection qui surviendrait au cours de la grossesse peut avoir des répercussions sur le fœtus. En effet, le CMV et la toxoplasmose sont des infections dont le traitement de première intention est contre-indiqué pendant toute ou une partie de la grossesse.
La vaccination est aussi essentielle en amont de la greffe pour limiter les risques. « Il est recommandé de vacciner les patientes contre la grippe et le pneumocoque notamment », préconise le Pr Revest.
Délai entre greffe et transfert embryonnaire
es différentes équipes qui travaillent sur la greffe utérine dans le monde échangent en permanence pour améliorer les pratiques. Le délai entre greffe et transfert des embryons (obtenus par fécondation in vitro au préalable) est notamment en cours de réflexion. Aujourd’hui, ce délai est généralement de 1 an : c’est notamment ce que fait l’équipe suédoise, experte dans le domaine, et ce que prévoit le protocole français.
Faut-il raccourcir ce délai pour réduire le temps d’exposition aux immunosuppresseurs ? « Une mauvaise idée sur le plan infectieux », affirme l’infectiologue. En effet, il y a un risque non négligeable d’infections opportunistes entre 1 mois et 1 an après la greffe. « Les infections opportunistes sont souvent difficiles à diagnostiquer et nécessitent l’expertise de l’infectiologue, avance le Pr Revest. Au-delà de 1 an, le risque est divisé par 10 et redevient acceptable ». D’où l’intérêt de ne pas précipiter les choses
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