10 ans après la révision de la loi de bioéthique

La thérapie cellulaire relève le défi des essais cliniques à grande échelle

Publié le 29/10/2015
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Poste de cultures cellulaires automatisé

Poste de cultures cellulaires automatisé
Crédit photo : Christophe Hargoues / AFM-Téléthon

« Les thérapies cellulaires vont droit vers un problème, nous avons des essais cliniques de petites tailles, mais les conditions dans lesquelles nous produisons ces thérapies ne nous permettront pas à l’avenir d’amener les thérapies aux malades », s’inquiète le Pr Philippe Ménasché, chirurgien cardiaque à l’hôpital européen Georges Pompidou.

« La mise au point de solutions cliniques dépasse ce que nous pouvons réaliser sans outil de production industriel, martèle-t-il et il ne faut pas que nous nous retrouvions face un problème éthique : un succès de thérapie cellulaire impossible à concrétiser auprès des patients ».

Ce « problème éthique » est également une préoccupation du Pr Marc Peschanski, directeur de l’Institut des cellules Souches pour le traitement et l’étude des maladies monogéniques (I-Stem). Las de frapper en vain aux portes de l’industrie pharmaceutiques à la recherche d’investissement, le Pr Peschanski en compagnie d’autres chercheurs, s’est résolu à mettre en place lui-même une plateforme industrielle de développement et de production de thérapies géniques et cellulaires.

Financée à auteur de 36 millions d’euros par l’AFM-Téléthon (qui possédera 54 % du capital de la société à sa création) et par la banque publique d’investissement (36 millions), cette structure de 13 000 m2 ouvrira ses portes en 2019.

Des études de faisabilités qui se multiplient

Pour les chercheurs, il est plus que temps de préparer le terrain à des expérimentations cliniques de grande échelle, au vu du rythme auquel les études précliniques et les études de faisabilités se multiplient en France, boostée depuis dix ans par les modifications successives de la loi de bioéthique. Depuis 2014, le Dr Guillaume Bassez, de l’hôpital Henri Mondor de Créteil, réalise ainsi les premières tentatives de traitement de la maladie de Steinert par des cellules souches embryonnaires porteuses d’une mutation du gène DMKP.

À l’hôpital européen Georges Pompidou (AP-HP), le Pr Philippe Ménasché a opéré cet été le deuxième patient, sur les six prévus dans son essai de faisabilité d’un traitement de l’insuffisance cardiaque par la pose d’un patch cellulaire, en complément d’un pontage.

En 2017, le laboratoire I-Stem mènera pour sa part deux essais : un premier en collaboration avec l’AP-HP sur les ulcères cutanés liés à la drépanocytose (39 patients) et le second sur la DMLA (une vingtaine de patients prévus) en collaboration avec l’institut de la Vision du Pr José-Alain Sahel.

La course aux critères cliniques durs

« Pour que les industriels acceptent d’investir, il faut que le bénéfice soit établi commente le Pr Sahel, et que ce bénéfice soit suffisant pour justifier un remboursement. Or, cela n’est possible que si l’on présente aux autorités des critères cliniques durs qui ne sont atteignables qu’en recrutant plusieurs milliers de patients. » 

Avec les moyens de production actuelle un laboratoire peut produire, en trois mois, 300 millions de kératinocytes, soit « de quoi soigner une centaine de patients sur les centaines de milliers qui présentent un ulcère cutané chronique », explique le Pr Peschanski.

Dotée de ligne de productions automatisées, la nouvelle plate-forme intégrera le centre de production Généthon BioProd ouvert en 2013, qui constituait « une première étape du projet, selon le Pr Peschanski, il a 4 jours nous avons pris la décision d’ajouter à notre nouvelle structure des équipes dédiées à la constitution de lots commerciaux. »


Source : Le Quotidien du Médecin: 9445