Thérapies génique et cellulaire

L'AFM-Téléthon appelle à relever le défi de la production française

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Publié le 28/06/2018
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therapie cellulaire

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Crédit photo : PHANIE

« Nous avons manqué le virage industriel des technologies innovantes par le passé, il s’agit désormais de ne pas manquer celui des thérapies innovantes », alerte Serge Braun, pharmacien et directeur scientifique de l’AFM-Téléthon, à l’aube de la réunion du conseil stratégique des industries de santé.

Pas d’investissements industriels

Alors qu’elle était à la pointe de la Recherche et Développement sur les anticorps monoclonaux et l’immunothérapie et a été la première nation à cartographier le génome humain, la France n’a pas pu développer ni commercialiser elle-même ces technologies, faute d’investissements.

Pour les médicaments à thérapie innovante (MTI), notamment les produits de thérapies génique et cellulaire, notre pays est également pionnier en R et D, mais « les industriels n'ont pas investi dans ce domaine désormais en pleine explosion », regrette Serge Braun. La part des biomédicaments est en croissance constante sur le marché pharmaceutique mondial (20 à 30 % par an, sur plus de 1 200 milliards de dollars) avec, « à terme, les thérapies génique et cellulaire qui représenteront au moins 50 % des nouvelles thérapies, et 30 % dès 2020 », ajoute le pharmacien.

Certains médicaments, déjà sur le marché (Strimvelis, Kymriah, Yescarta) ou en passe de l’être (Luxturna et Lentiglobin) sont le fruit de technologies développées ou soutenues directement ou indirectement par l’AFM-Téléthon mais produits à l’étranger. « La priorité étant que le traitement soit accessible aux malades, des accords de licences ont été passés avec des sociétés étrangères », précise Serge Braun. « Mais ces produits, développés à l’étranger, risquent de nous être revendus à un prix que l’on ne maîtrisera pas », regrette-t-il.

Le défi de la bioproduction

« À la différence des autres médicaments, la partie production des MTI est aussi importante que toute la recherche effectuée en amont », fait remarquer Frédéric Revah, directeur général de Généthon, l’association créée par l’AFM-Téléthon pour la recherche et le développement de thérapies géniques dans le domaine des maladies rares, et président d’YposKesi, une plateforme industrielle de thérapie génique et cellulaire, créée par l’AFM-Téléthon et BpiFrance, banque publique d’investissement, en 2016. La bioproduction représente donc un enjeu majeur pour la commercialisation des MTI. « La production et l’industrialisation des procédés de production nécessitent une innovation allant de la biologie la plus fondamentale à l’instrumentation et au génie des bioprocédés », ajoute-t-il. Faute de quoi, il ne sera pas possible de produire ces MTI à échelle commerciale.

Un défi que tente de relever YposKesi. L’entreprise, positionnée comme leader européen pour l’industrialisation et la production des MTI pour les maladies rares, mais également pour les maladies fréquentes, mène actuellement neuf projets de production de thérapie génique. Avec comme objectif d’améliorer le rendement de production grâce à ses innovations, tout en diminuant les coûts. Pour, à terme, « assurer un prix de commercialisation abordable pour les patients et les systèmes de remboursements, qu’ils soient publics ou privés », précise Alain Lamproye, directeur général d’YposKesi.

Volonté politique et investissements

Pour Serge Braun, « il est capital de ne pas se priver des débouchés industriels de ces MTI, mais également de ne pas se laisser imposer des produits vitaux à des prix dictés par un monopole extérieur ». Selon lui, « ces innovations sont industrialisables et valorisables », comme le démontrent les États-Unis, leaders sur le marché de la production de ces biomédicaments. « Il faut des investissements audacieux et une volonté politique forte dans ce secteur, souligne le directeur scientifique de l’AFM-Téléthon, pas seulement la générosité publique ».

Stéphany Mocquery

Source : Le Quotidien du médecin: 9677