Lutte contre le VIH

Le cholestérol « booste » un inhibiteur de fusion

Publié le 18/03/2009
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De notre correspondant

CONTRAIREMENT aux inhibiteurs de la reverse transcriptase ou de la protéase qui agissent à l'intérieur de la cellule, les inhibiteurs de fusion ou d'entrée (IF), avec lesquels il ne semble pas exister de résistance croisée, empêchent l’entrée du VIH dans la cellule hôte en entravant la fusion des membranes virale et cellulaire. La liaison de la glycoprotéine d’enveloppe gp120 au récepteur CD4 et au corécepteur (récepteur de chimiokines, CCR5 ou CXCR4) induit des changements de conformation au niveau de la gp41 responsable de la fusion des membranes virales et cellulaires. De par son homologie de séquence avec une région de HR2 (T20) de la gp41, l’enfuvirtide (IF T20) se lie à cette dernière, empêchant ainsi la formation d’une structure en épingle à cheveux au niveau de la gp41 qui permet son exposition et l’insertion du peptide de fusion dans la membrane cellulaire, étape cruciale pour le phénomène de fusion des membranes virales et cellulaires.

Les chercheurs ont développé une nouvelle approche consistant à fixer un groupe cholestérol à l’IF C34, qui mime une portion de la région C-terminale C34 de la région HR2 de la gp41 et d’activité antivirale in vitro plus puissante que le l’IF T20. Le choix d’un groupe cholestérol pour accroître la puissance d’un IF était dicté par deux arguments : augmentation de l’affinité membranaire, rôle particulier des nacelles lipidiques enrichies en cholestérol dans la fusion du VIH à la cellule cible.

Augmente la puissance antivirale d’un facteur 50.

Ils ont observé que l’addition d’un groupe cholestérol au peptide C34 (C34-Chol) augmente la puissance antivirale de C34 d’un facteur 50 par rapport au peptide contrôle C34-Acm. Tandis qu’un peptide synthétisé en utilisant de l’acide palmitique (au lieu du cholestérol) a une activité comparable au C34 non cholestérolisé. Par ailleurs, l’addition d’un groupe cholestérol à l’analogue T20 n’a aucune action potentialisatrice.

Les chercheurs ont ensuite testé C34-Chol sur différentes souches virales. Ils ont trouvé à nouveau une augmentation spectaculaire de l’activité antivirale pour l’ensemble des souches. La comparaison des valeurs IC90 (mesure rigoureuse de la puissance antivirale) dans une série d’isolats primaires montre que C34-Chol a une activité de 25 à 100 fois plus importante que C34 ; de 50 à 400 fois plus élevée que l’enfuvirtide et de 15 à 300 fois celle d’un IF de seconde génération (T1249). Ce qui fait du peptide C34-Chol l’inhibiteur de fusion le plus puissant à ce jour.

L’affinité de liaison à la membrane.

La persistance de l’action de C34-Chol a été mise en évidence par une expérience de lavage, après incubation de ce peptide et des peptides contrôles en présence de cellules P4-2/R5, visant à éliminer les peptides non liés. Le lavage était suivi d’une infection des cellules par VIH-HXB2. Au bout de 48 heures, l’IC50 n’était modifié que d’un facteur 7 pour le C34-Chol, alors que la différence d’IC50 était beaucoup plus marquée (facteur 400) pour le C34 non cholestérolisé. Ce résultat démontre que l’affinité de liaison de C34-Chol à la membrane est telle que ce composé n’est pas éliminé par le lavage, contrairement aux autres peptides.

À cela s’ajoute une autre propriété : l’augmentation in vivo de la demi-vie du peptide C34 par l’attachement du groupe cholestérol. Après l’injection sous-cutanée, à des souris, de 3,5 mg/kg de C34-Chol et du peptide contrôle C34-Acm, ce dernier était indétectable au bout de 6 heures alors qu’on détectait encore 130 nanoMol de C34-Chol dans le plasma 24 heures après, soit une concentration plus de 300 fois supérieure aux valeurs IC90 enregistrées avec diverses souches de VIH.

La fixation d’un inhibiteur de fusion à un groupe cholestérol apparaît donc comme un moyen simple mais très efficace d’accroître la puissance d’activité antivirale de cette famille d’agents anti-VIH. En outre, il ne semble pas impossible d’appliquer ce procédé d’attachement à d’autres virus enveloppés, estiment les auteurs.

P. Ingallinella et coll. Proceedings of the National Academy of Sciences, édition en ligne.

Dr BERNARD GOLFIER

Source : lequotidiendumedecin.fr