Les amines des allergies et de la dépression bloquent la réponse antivirale IFN

Publié le 10/02/2017
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Pourquoi les enfants atopiques ont-ils une susceptibilité accrue aux infections virales ? Des chercheurs CNRS/Université Paris-Descartes apportent pour la première fois, dans « Nature Communications », une réponse à cette observation faite en clinique. L'histamine inhibe la réponse anti-infectieuse en diminuant la production de molécules antivirales très puissantes, les interférons (IFN), par certaines cellules immunitaires très rares et très particulières, les cellules dendritiques plasmacytoïdes (pDC).

La situation est comparable dans la dépression ou en cas de stress, mettant en jeu d'autres amines naturelles, comme la sérotonine et la dopamine. Ces neuromédiateurs impliqués dans la dépression inhibent aussi la réponse antivirale induite par l'IFN, comme l'a également montré l'équipe en collaboration avec l'INSERM, le Francis Crick Institute de Londres et l'université d'Ulm (Allemagne).

Les cellules pDC très grandes productrices d'IFN

« Le lien entre des maladies comme l'allergie ou le stress et une sensibilité accrue aux infections virales est observé depuis plus de 40 ans, explique Jean-Philippe Herbeuval, directeur de recherche au CNRS dans l'unité « Chimie biologie modélisation pour l'immunothérapie » et auteur principal de l'étude. Nous avons identifié les acteurs impliqués à chaque niveau : les cellules immunitaires responsables que sont les pDC, le rôle inhibiteur d'amines comme l'histamine, la sérotonine et la dopamine ainsi que leur récepteur sur les pDC, le CXCR4, qui se trouve être aussi un corécepteur du VIH et un marqueur de progression dans le cancer du sein. »

De nouvelles pistes dans les maladies chroniques

Les cellules pDC sont capables de libérer de grandes quantités d'IFN, ces molécules antivirales et antitumorales naturelles. Leur activité doit être finement modulée car une activation prolongée se révèle délétère, comme par exemple dans le cas du sida ou de la sclérose en plaques. « L'activation des pDC est à double tranchant, explique le chercheur. Lors d'une infection virale, le rôle est de défendre l'organisme. Mais lors de maladies chroniques, comme dans le lupus, les interféronopathies ou le VIH, l'effet prolongé de l'IFN sur les cellules immunitaires et les tissus est très délétère. »

Ces travaux suggèrent ainsi de nouvelles pistes thérapeutiques dans les maladies auto-immunes et les infections chroniques. Les chercheurs ont testé l'effet d'un analogue de l'histamine, l'antihistaminique clobenpropit (CB), dans un modèle murin de grippe grave avec suractivation des pDC dans le but de freiner la surproduction d'IFN. « Nous avons été les premiers surpris par l'intensité de la réponse, se rappelle Jean-Philippe Herbeuval. Chez les souris infectées mais traitées avec le CB, la réponse IFN était bloquée à plus de 94 % ! Aujourd'hui, nous cherchons dans notre laboratoire à modéliser des analogues de l'histamine qui soient le plus spécifiques possibles du récepteur CXCR4. »


Source : lequotidiendumedecin.fr